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L'abbaye de Vallbona

Publié le par Jaume Ribera

Dans ses romans Patrick me met souvent en contact avec l'abbaye de Saint Genis (elle est même un des "personnages" principaux de ma deuxième enquête Les anges de Saint Genis). Et c'est vrai qu'elle est la plus proche implantation monastique des environs. Pourtant, nous avons une abbaye encore active (même peu), sur le territoire de notre paroisse. C'est l'abbaye de Vallbona.

Mais elle est très peu connue, même à notre époque, et n'a guère d'activité. En raison de son isolement, surtout. Géographique et spirituel.
 

Le mas de Valbonne, qui englobe les rares vestiges de l'abbaye encore présents à votre époque

Située tout au fond d'un vallon affluent de celui du Ravaner, que nous avons déjà rencontré lorsque je vous ai parlé de l'ancienne église de Torreneules, l'abbaye est vraiment à l'écart de tout. D'ailleurs, à peine deux siècles après sa fondation en 1242, les moines la quittèrent pour s'installer à Perpignan. Il fallut toute l'autorité du pape pour, au XV° siècle, les contraindre à retourner à Vallbona. Pourquoi le pape? Parce que ces moines appartiennent à l'ordre cistercien, qui est de droit pontifical, c'est-à-dire que le Saint Siège y dispose d'une autorité particulière. Et comme il n'y a pas beaucoup d'implantations cisterciennes dans notre région, le pape n'admettait pas la disparition de l'une d'entre elles.

D'ailleurs, Patrick me dit que ce retour à Vallbona ne va pas être très durable. Les cisterciens étant des moines contemplatifs, ils ne se mêlent guère à la population locale. Et donc rares sont les liens créés avec les quelques habitants de ce vallon des Albères.

À votre époque, l'abbaye est détruite depuis longtemps, et les rares vestiges qui subsistent sont intégrés dans une propriété privée.
 

Les vestiges de la petite église de l'abbaye, dont l'abside a disparu, laissant la nef comme béante

On a du mal à imaginer que là, pourtant, des hommes voués à Dieu (ils étaient une douzaine lors de la fondation de l'abbaye) se sont isolés du siècle pour vivre leur foi et leur sacerdoce. Ils ne sont plus que quelques-uns, à mon époque.
Francisco a eu l'occasion de s'y rendre, une ou deux fois, pour soigner l'un ou l'autre d'entre eux. Il m'a raconté leur isolement et leur pauvreté.

Comme s'ils savaient inéluctable la fin de leur implantation...

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Les chapelles Sant Jeroni et Santa Madalena

Publié le par Jaume Ribera

Deux chapelles voisines, qu'on pourrait dire sœurs si elles dataient de la même époque, et si leur destin n'avaient pas été si différent.
 

Santa Madalena (à gauche) et Sant Jeroni (à droite)

La plus remarquable, à mon avis, celle en tous cas où je préfère aller me promener, lorsque je dois visiter un patient aux alentours, c'est Sant Jeroni. Et pourtant, il s'agit seulement d'une toute petite chapelle isolée près de la cité d'Argelès, au pied des premières ondulations des Albères. Je vous en ai d'ailleurs déjà présenté, de ces vestiges religieux éparpillés, dont les fidèles furent finalement absorbés par la cité voisine.
Située à moins d'une lieue des murs d'Argelès, Sant Jeroni est triplement remarquable (Patrick me dit de traduire pour vous, avec des mots que je ne comprends pas: "Un peu moins de quatre kilomètres").

D'abord, parce qu'on ne connaît pas exactement son origine. Elle date, probablement, du début de notre millénaire. Mais dixième? Douzième? Treizième siècle? On ne sait pas. Francisco m'a assuré qu'aucun texte ne parle d'elle dans les temps anciens. Ce qui ne donne aucun indice quant à la période de sa construction.

Mais ce qui frappe surtout au sujet de cette chapelle, c'est sa taille minuscule. Dans sa plus grande dimension, elle ne fait pas plus de dix pas de long (nouvelle traduction de Patrick, tout aussi incompréhensible pour moi: "Un peu plus de sept mètres").


C'est pour cela qu'il est peu probable qu'elle ait été une église paroissiale, comme Saint Laurent ou la Pava, dont je vous ai déjà parlé: comment imaginer une assemblée de fidèles réunis dans un aussi petit espace? Si dès sa naissance elle ne fut qu'une simple chapelle, par exemple d'un riche mas aujourd'hui disparu, voire d'un très ancien prieuré dont il ne resterait rien, il n'est pas étonnant qu'elle n'ait pas laissé de traces dans les textes ou dans la mémoire des hommes.

Enfin, juste à côté d'elle, se situe une autre chapelle, plus grande. Et quand je dis "juste à côté", c'est vraiment le cas: il n'y a pas plus d'une vingtaine de pas entre la chapelle Sant Jeroni et sa voisine, plus spacieuse et plus récente, vouée à Santa Madalena. Celle-ci est plus récente. Plus spacieuse, aussi.

Là, sans doute, eurent lieu des cérémonies. Là, surtout, s'installent par intermittence des ermites, dont la présence attire les fidèles, et qui vivent dans un petit logis aménagé au-dessus de la chapelle elle-même. Là, peut-être, va renaître une vie spirituelle.

Le contraste est réel, en tous cas, entre la petite chapelle presque oubliée, et sa grande voisine, qui semble en plein essor...

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La citadelle de Perpignan

Publié le par Jaume Ribera

Depuis la fin du siège de Perpignan, en 1641-1642, cette citadelle est le siège du nouveau pouvoir, français, sur la région. À cet égard, le Traité de 1659 n'a fait qu'entériner une situation qui était acquise depuis longtemps sur le terrain.

La ville est, de loin, la plus grande de toute la région, avec ses 11 000 habitants environ. Elle est la capitale régionale depuis les temps carolingiens. Mais militairement, elle n'est rien sans sa citadelle. Celle-ci n'est en effet pas seulement le siège du pouvoir politique, où loge par exemple le Gouverneur de Noailles, dont je vous ai déjà parlé. Elle abrite aussi l'essentiel des troupes en armes présentes sur place. Et elle sert également de prison. Elle est, presque à elle seule, l'incarnation du pouvoir dans la ville, et donc dans toute la région.
 

Visible de toute la ville, la citadelle la cache à beaucoup des villages alentours

Il faut dire que sa situation dans la ville le lui permet aisément. Alors que Perpignan est une ville sans beaucoup de reliefs, la citadelle la domine sur une légère colline, remblayée au fil des siècles, appelée le Puig del Rey. Tout un symbole...

L'endroit a été choisi, à l'origine, par le roi Jaume II de Majorca, lorsqu'à la fin du XIII° siècle il décida de changer de capitale. Quittant Palma, trop vulnérable dans son île méditerranéenne, il vint s'installer, avec toute sa cour et son administration, à Perpignan (il se rapprochait également, ainsi, de ses possessions languedociennes, près de Montpellier). Il y fit édifier un château sur la seule colline de l'endroit, au sud de la ville. Un château dont les témoignages de l'époque vantent la splendeur et le luxe de ses décorations.

L'endroit a été entouré au fil des siècles par plusieurs rangées de fortifications plus ou moins durables: par les Français de Louis XI, puis par l'Empereur Carles Quint, enfin par son fils Felipe II. En ce moment, la rumeur prête d'ailleurs au nouveau pouvoir français la volonté de réorganiser et de consolider ces fortifications, qui ont c'est vrai beaucoup souffert lors du siège d'il y a presque vingt ans. Il paraît qu'il y a, à la cour de Paris, un ingénieur spécialisé dans l'architecture militaire qui construit des forteresses imprenables, et qui envisage de s'intéresser à Perpignan.
Un certain marquis de Vauban...

Je ne m'étais jamais rendu à l'intérieur de la citadelle, avant d'y être conduit par mon enquête sur Le fanal de Madeloc. Comme tout le monde, j'éprouvais une certaine crainte, lors de mes rares venues à Perpignan, devant le vaste glacis désert entourant l'imposante citadelle. Et puisque je n'avais pas de raisons de m'approcher, je restais au loin de ces massives murailles. Il a fallu que j'y sois vraiment obligé, pour envisager de franchir le pont d'accès afin de pénétrer à l'intérieur. Heureusement que l'avenant capitaine de Mostuéjouls m'a accueilli et m'a servi de guide!
 

L'entrée principale de la citadelle, tournée vers la ville

Pourtant, à l'intérieur, quelle déception!
Hormis le vieux château de Jaume II, au centre de la vaste cour, ce ne sont que baraquements, petits bâtiments, dortoirs, réfectoires, écuries, dépôts d'armes... On est dans une enceinte militaire, et rien n'est fait pour rendre l'endroit agréable... Il faut pénétrer dans les entrailles du vieux château, et surtout dans ses sous-sols, pour y dénicher des lieux respirant l'histoire.

Ce sera l'occasion de vous en reparler...

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L'église de Torreneules

Publié le par Jaume Ribera

Je suis content!...

Parce que, lorsque je lui ai annoncé le sujet dont je vais vous parler, Patrick m'a dit qu'il ne connaît absolument pas!... Il n'a même jamais entendu ce nom, me dit-il.

Alors, partons tous ensemble à la découverte de cet endroit ignoré de votre temps!...

Santa Maria de Torreneules, comme elle s'est longtemps appelée, est nichée dans un minuscule vallon, au Sud-Est d'Argelès. Au pied de la tour de Madeloc, qui est tout près, et domine le vallon creusé par le torrent du Ravaner.

Dominé par la tour de Madeloc, l'étroit vallon du RavanerDominé par la tour de Madeloc, l'étroit vallon du Ravaner

Dominé par la tour de Madeloc, l'étroit vallon du Ravaner

Elle fait partie des plus anciennes églises, parmi celles qui sont disséminées sur le versant des Albères. On trouve en effet des mentions d'elle dès le IX° siècle, en un temps où la montagne était peuplée par de nombreux groupes de populations qui s'y étaient réfugiées. Les habitants de la région avaient en effet été chassés par les passages successifs des armées, wisigothes, sarrasines, carolingiennes, complétées par les nombreuses bandes de hors-la-loi écumant les régions dévastées du littoral. Ces groupes se rassemblèrent en hameaux; lesquels, peu à peu, se structurèrent autour d'une église, point de ralliement et de protection.

Lorsque le système féodal se généralisa, dans la région comme partout ailleurs, ce sont surtout les abbayes qui, en Espagne, devinrent les principales maîtresses des terres. Elles jouèrent le rôle des seigneurs laïcs et guerriers que vous avez connus, en France. Les petites églises furent peu à peu intégrées aux domaines des principales implantations monastiques. C'est ce qui arriva à Santa Maria de Torreneules, au XIII° siècle, lorsque les cisterciens créèrent, à proximité, l'abbaye de Valbonne, dont je vous parlerai une autre fois.
Valbonne, elle aussi consacrée à la Vierge Marie, eut aussitôt un pouvoir d'attraction bien plus grand que Torreneules... qui finit par devoir changer de saint patron, afin qu'il n'y ait pas de confusion entre deux églises aussi proches, toutes deux dédiées à Santa Maria. À mon époque, c'est sous le nom de Sant Miquel de Torreneules qu'on l'a connaît désormais. Mais c'est une église qui ne rassemble plus guère de paroissiens. Elle n'a plus de curé attitré depuis des décennies, et son déclin me paraît devoir être inéluctable.

C'est sans doute pour cela que Patrick n'en a même pas entendu parler. Qui sait seulement si elle existe encore, à votre époque?
 

Jaume a raison: c'est désormais tout ce qu'il reste de l'église de Torreneules

 

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Vilaclara

Publié le par Jaume Ribera

Ceux qui m'ont suivi dans la résolution du meurtre sauvage de la jeune Rafela Salas (Les Anges de Saint Genis) connaissent bien Vilaclara. C'est dans ce minuscule hameau, proche de Palau del Vidre (un peu au Nord-Ouest d'Argelès), que vivaient la victime et sa famille, si éprouvée durant toute cette enquête.

J'avais vaguement entendu parler de cet endroit avant de m'y rendre. Au milieu d'un bois dense de chênes, il y a une vaste ferme, avec plusieurs dépendances, entourée d'une haute palissade. Et tout près, les vestiges d'un très ancien château. Patrick n'a pas évoqué celui-ci dans le roman, parce qu'il ne joue aucun rôle dans l'intrigue: je n'y suis même pas allé, lors de mes fréquentes incursions dans le domaine de la famille Salas. Il faut dire qu'à mon époque, ce château est totalement en ruines. Il est entouré d'épais ronciers et d'une végétation sauvage, qui dissuadent quiconque de s'approcher.

Les murs aveugles (il n'y a pas d'ouvertures) de cette bâtisse carrée sans charme tiennent encore debout, mais c'est bien la seule chose qui en reste. Il faut dire qu'elle date du XI° siècle, et qu'elle n'a pas été ménagée depuis. De multiples transformations l'ont fragilisée, et le déclin progressif de Palau (qui fut jadis un centre de pouvoir féodal significatif) a entraîné celui de Vilaclara. Un déclin dont Patrick me dit qu'il n'a pas été définitif, puisqu'à votre époque le château a repris vie. Évidemment, les bois ont dans le même temps cédé la place aux cultures et aux voies de circulation. Mais au moins le Castell de Vilaclara a-t-il été sorti du néant. Et rendu un peu moins austère.
 

Les ouvertures et la tour qui surplombe le château sont toutes modernes

Il en est de même de la très curieuse église (en fait, la chapelle du château, durant les siècles anciens), légèrement à l'écart. Elle aussi est en ruines à mon époque, et je suis content qu'elle ait été également sauvée. C'est sa façade, en fait, qui est remarquable: un simple mur, percé d'un sobre portail d'entrée; presque pas d'ouvertures, comme pour le château. Vilaclara, visiblement, n'est pas un endroit dont les occupants successifs aimaient le contact avec l'extérieur...

À mon époque, je ne l'ai jamais vue si bien mise en valeur, cette chapelle!...À mon époque, je ne l'ai jamais vue si bien mise en valeur, cette chapelle!...

À mon époque, je ne l'ai jamais vue si bien mise en valeur, cette chapelle!...

Vous pouvez imaginer l'accueil méfiant et même hostile que j'ai dû affronter, lorsque je m'y suis rendu pour enquêter sur le meurtre de la fille du dernier maître du hameau...

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Le château d'Ultrera

Publié le par Jaume Ribera

J'ai une drôle de sensation, en débutant ce billet. Parce que lorsque je lui en ai donné le sujet, en lui demandant ce que l'endroit est devenu à votre époque, comme je le fais toujours pour les lieux dont je vous parle, Patrick a eu l'air très ennuyé.
Et il m'a expliqué, sans trop de détails d'ailleurs, que non seulement ce lieu n'existe plus pour vous qu'à l'état de ruines, mais qu'en plus je serai le témoin de sa disparition. "À supposer que tu n'y participes pas, ce qui ne m'étonnerait pas de ta part" a-t-il ajouté... Cela fait drôle, non? Apprendre soudain qu'on va assister à la disparition d'un monument vieux de plus de 1500 ans...
 

Car on vivait encore aux temps romains lorsque ce château a été édifié. Ceux où les grands généraux de la République (Sertorius, Pompée, et bien sûr César) se disputaient notre région. Le château connut ensuite le sort de tout ce que Rome construisit chez nous: le déclin, puis la conquête par les peuplades wisigothiques. C'est d'ailleurs de sa conquête par Wamba, roi des Wisigoths à l'époque, à la fin du VII° siècle, que date la première mention attestée d'Ultrera. Dont on ne sait toujours pas si ce nom est d'origine latine (de vulturia, les vautours), wisigothique (comme l'indique le préfixe Ult), ou même encore antérieure (la langue des Ceretans et des Sartons ne nous est guère connue).

Situé sur un éperon rocheux de moyenne altitude (à peine un peu plus de 500 mètres, me souffle Francisco), le château n'est pas sur la ligne de crête des Albères. Pourtant, il est devenu un élément essentiel dans la défense de toute la région, notamment de ce versant des Albères, voie de tous les trafics jusqu'en Espagne. Outre la surveillance de loin de toute la plaine du Roussillon, sa situation lui permet de contrôler toute la vallée de la Maçana, où se situent La Pava et Lavall, dont je vous ai parlé.
 

Niché dans les Albères, un poste d'observation idéalement placé

Dans le système féodal que les Carolingiens mirent en place, chez nous comme partout ailleurs, et qui constitue aujourd'hui encore la base des aires d'influence, Ultrera dépend de la seigneurie de Sorède. Or, celle-ci est depuis longtemps aux mains d'une famille française d'origine, les Villaplana. Ceci explique qu'Ultrera ait été assez facilement obtenu par les négociateurs français, lors de la définition de la frontière après le Traité des Pyrénées.

Mais d'ores et déjà, les intérêts espérant un retournement de l'histoire qui nous ferait revenir sous la souveraineté de Madrid s'intéressent à Ultrera. En prendre le contrôle serait un avantage considérable pour eux.

Est-ce à cette lutte autour du vieux château que je vais, si j'en crois Patrick, assister?

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La Pava

Publié le par Jaume Ribera

Je vous propose de continuer notre promenade dans ces vallées qui, entre Sorède et Argelès, montent à l'assaut des Albères. Et ce depuis fort longtemps, et pour tous les usages: je vous ai dit que les armées du roi de France Philippe III le Hardi avaient emprunté ce passage pour pouvoir passer de l'autre côté de la montagne. Il paraît même qu'aux temps romains, certains détachements étaient cantonnés par là.

Revenons un peu en arrière, en aval du site de Lavall, dont je vous ai parlé. Une autre paroisse existait, s'étirant sur les toutes premières pentes des Albères: La Pava. Il n'y a plus de hameau, là, même à mon époque; il n'est même pas sûr qu'il y en eut un jadis. La paroisse, plus probablement, réunissait uniquement des mas disséminés. Certains ont fini par être absorbés par Sorède, tandis que d'autres furent attirés par Argelès. Cela fait longtemps, désormais, que La Pava n'a plus de réelle localisation sur place.
 

Même l'église ne subsiste plus qu'à l'état de souvenir. Une chapelle, plutôt. Celle d'un prieuré, sans doute, créé durant le XIII° siècle, probablement sur la base d'une implantation plus ancienne. Cette chapelle portait un nom peu fréquent dans nos contrées catalanes: elle était vouée à Saint Alexandre. J'emploie un temps du passé, car désormais même ce nom a à peu près disparu: quand on en parle (c'est rare!), on l'appelle de plus en plus Santa Maria de La Pava. Et Patrick me dit qu'elle a à nouveau changé de nom par la suite, puisqu'à votre époque vous la connaissez sous le nom de Sant Ferriol.

C'est le destin de la plupart de ces paroisses qui se dépeuplent de plus en plus. Leurs églises ne servent plus au culte. Le plus souvent, quand elles n'ont pas été purement et simplement abandonnées, elles abritent un ermite (c'est le cas à La Pava), qui tente de maintenir un lien entre les mas disséminés.

Et qui a de plus en plus de mal à le faire...

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Lavall

Publié le par Jaume Ribera

Quand on parle d'un lieu-dit portant le nom de Lavall, dans notre région, ce n'est pas très précis. Parce qu'il y en a beaucoup: Lavall, cela veut dire la vallée. Alors, forcément, dans une aire de montagnes déchirées par de nombreux ruisseaux, c'est un toponyme fréquent.

Celui dont je vais vous parler n'est pas celui que j'ai longuement fréquenté durant l'enquête sur la mort du novice de Serrabona. Celui-ci, ce sera pour une autre fois, peut-être. Aujourd'hui, restons plus près d'Argelès. Dans les Albères, un peu en contrebas de la tour de la Massane, dont je vous ai déjà parlé. Ce Lavall, qui est souvent appelé La Vall de Sant Martí de Montbran est une paroisse, composée comme beaucoup de celles qui sont disséminées sur ce versant des Albères d'un minuscule hameau, et de plusieurs mas isolés. Il n'y a, en fait, quasiment pas de village regroupé.

Une bien petite église, qui a connu tant de siècles, sans pouvoir rassembler un vrai village autour d'elleUne bien petite église, qui a connu tant de siècles, sans pouvoir rassembler un vrai village autour d'elle

Une bien petite église, qui a connu tant de siècles, sans pouvoir rassembler un vrai village autour d'elle

Arrosé par la Maçana, qui n'est là qu'un simple ruisseau de montagne, l'endroit a été d'abord peuplé par les soldats carolingiens venant de repousser les Sarrasins au-delà des Pyrénées, puis par des moines qui y édifièrent pendant moins d'un demi-siècle un très éphémère monastère.
Mais ne croyez pas, à cause de leur départ, que l'endroit est resté dépeuplé. Au contraire. Car la vallée est devenue durant des siècles un des chemins d'accès vers l'Espagne. Emprunté par les voituriers, les marchands, les contrebandiers aussi... Ils suivent, sans doute sans le savoir pour la plupart, les traces d'un roi de France et de son armée. C'était en 1285. Philippe III le Hardi était parti en croisade contre les clans catalans turbulents sur sa frontière méridionale. Empêché de passer par le col du Perthus ou par la côte, il réussit à tromper leur vigilance en empruntant cette étroite vallée. J'imagine l'émoi des habitants de Lavall, devant le passage de tous ces hommes en armes...
 

Sceau de Philippe III le Hardi

Le déclin, toutefois, finit par arriver: il n'y a plus guère qu'une quarantaine d'habitants, dans toute la paroisse, désormais (à mon époque!...). Nul doute qu'elle finira par disparaître un jour...

Comme tant d'autres, dont le nom n'est parfois même pas parvenu jusqu'à vous.

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Le prieuré Santa Maria del Vilar

Publié le par Jaume Ribera

J'ai été amené à redécouvrir l'existence de ce prieuré lors de mon enquête sur Les anges de Saint Genis. J'en avais entendu parler avant, bien sûr, mais comme d'un lieu abandonné depuis plus d'un siècle (pour moi). Lors de cette enquête, je me suis rendu compte qu'en fait, ces ruines étaient parfois fréquentées, et pas toujours pour des motifs louables.
 

Le prieuré dans les ruines que je connais

Patrick me dit qu'à votre époque, le prieuré a été entièrement restauré, et qu'il a même retrouvé sa vocation religieuse, par l'implantation d'une communauté de moines. Ce n'est même pas imaginable pour moi, tant les lieux sont délabrés, et tant l'accès est difficile. C'est aussi grâce à cet isolement, dans les Albères dominant Villelongue dels Monts, que le lieu abrite parfois des activités souhaitant rester discrètes...

Le prieuré, situé dans les hauteurs abritant la vallée de la rivière de Villelongue

Après cette enquête, Francisco et moi avons fait quelques recherches pour en apprendre plus sur ce prieuré. Et nous avons découvert que les bâtiments actuels (ce qu'il en reste, du moins...) datent du début du millénaire. Une abbaye augustinienne fut créée là à la fin du XI° siècle, durant la grande période de création des implantations religieuses dans la région.

Mais ce lieu de Vilari (devenu par la suite el Vilar) ne fut pas choisi par hasard. Une présence religieuse se trouvait là depuis les temps romains: superposés les uns sur les autres, on y a trouvé un temple païen du premier siècle avant notre ère, une église datant des temps mérovingiens, et un baptistère carolingien. Quant à la vaste salle principale, où la jeune Coloma Barda vécut son terrible calvaire dans Les anges de Saint Genis, elle est tout simplement ce qui reste de la vieille église carolingienne sur laquelle a été édifié le prieuré.
 

L'église actuelle, la nef carolingienne, l'emplacement de l'ancienne église mérovingienneL'église actuelle, la nef carolingienne, l'emplacement de l'ancienne église mérovingienneL'église actuelle, la nef carolingienne, l'emplacement de l'ancienne église mérovingienne

L'église actuelle, la nef carolingienne, l'emplacement de l'ancienne église mérovingienne

Plus de dix-sept siècles d'histoire (sans compter les trois et demi qui vous séparent de mon temps) se sont succédé en ce même endroit... Honnêtement, quand je songe à ce que devait être la région lorsque les premiers humains sont arrivés au Vilar, j'en ai le vertige.

Pas vous?

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Le renouveau des ermitages

Publié le par Jaume Ribera

Je vous ai déjà rapidement parlé de la tradition, très présente dans notre région, des ermites. Ils ne sont pas forcément des religieux. Il est même fréquent d'en rencontrer qui avaient un passé marital, une famille, des enfants, avant leur nouveau choix de vie... Devenus veufs, ils ont choisi de se consacrer à la communauté, par une spiritualité renforcée. Retirés du monde, dans des lieux les plus isolés possibles, ils mènent une vie faite de prière et de charité.

Mais depuis le début de ce siècle (le mien!), les ermites s'ouvrent à nouveau au monde. Ce n'est pas que leur foi a changé de nature, ni d'expression. Deux raisons les poussent à cette nouvelle forme d'érémitisme.

D'une part, la lente dégradation de leurs refuges isolés les oblige à les réparer, à les consolider, parfois à en reconstruire tout ou partie. Cela nécessite souvent de l'argent. Or, ils n'en ont pas. Donc les ermites ont pris l'habitude, avec la bienveillance des prêtres des paroisses environnantes, de quêter au sortir des messes, ou lors des fêtes votives. Ils y gagnent un peu d'argent, mais aussi parfois de l'aide pour réaliser certains travaux dans leur ermitage.

Autour d'Argelès, plusieurs anciennes chapelles, qui furent jadis des églises paroissiales desservant des hameaux aujourd'hui dépeuplés ou disparus, sont ainsi peu à peu en train de reprendre vie: Santa Magdalena, Sant Alejandro, La Pava, Santa Maria de Consolacio, plus près de Collioure... Et d'autres...

Je vous les présenterai, à l'occasion.

D'autre part, durant les temps troublés que notre région vient de subir depuis quelques décennies, une certaine crainte s'est instaurée vis-à-vis des voyageurs, pèlerins, itinérants divers qui vont et viennent sans arrêt dans nos plaines. À tout prendre, les consuls des cités (ce phénomène ne se rencontrant pas qu'à Argelès) préfèrent que ces populations aux origines et aux destinations inconnues soient hébergées hors de la cité ou du village. Hébergées, certes, car l'hospitalité est depuis toujours une caractéristique de la société catalane. Mais hors les murs, pour protéger la communauté dans son ensemble: la mémoire de la peste de 1652, amenée par des voyageurs, est encore présente dans les esprits.

Alors, les ermitages renaissent. Ils s'agrandissent. Les chemins qui mènent jusqu'à eux sont défrichés. La vie d'ermite se diversifie, et perd ce qu'elle avait souvent de plus rebutant: l'isolement permanent.

Bien sûr, les autorités françaises, en train de s'installer depuis l'année dernière, ne voient pas forcément cela d'un bon œil: car dans une région où sont présentes des bandes plus ou moins organisées de rebelles parfois assez bien armés, ces ermitages disséminés, souvent situés dans les montagnes escarpées, constituent autant de refuges, de points d'appui, de relais, difficiles à surveiller en permanence.

Mais que peuvent-elles faire d'autre, ces autorités, que constater ce mouvement de renaissance de l'ancien érémitisme catalan? Quand je lui ai posé la question, mon ami Athanase de Mostuéjouls s'est contenté de lever les yeux aux cieux, avec un grand soupir d'impuissance.

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