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Els traginers

Publié le par Jaume Ribera

Pardon à vous tous qui vivez dans mon futur, à une époque où peut-être le catalan n'est plus totalement compris, pour ce titre dans ma langue...
Mais comment pourrais-je dire mieux qu'en catalan ce dont je voudrais vous parler? Patrick me dit qu'en français, on traduit cela par voiturier. Mais il ajoute aussitôt que ce n'est pas un terme très clair, car il a également d'autres sens.

Le traginer, c'est celui qui transporte les marchandises. À pied, la plupart du temps, puisque l'animal qu'il possède (il est rare qu'il en ait plusieurs) est celui qui porte les denrées: chevaux, ânes, mules, bœufs... Les chemins de nos contrées voient ainsi passer toutes sortes d'animaux, plus ou moins chargés (souvent plus que moins, d'ailleurs) de produits extrêmement variés. Autant dire que c'est un métier essentiel pour la vie de tous. Surtout pour ceux qui vivent dans des écarts ou qui sont éloignés des cités, voire des villages.
 

Tous n'ont pas la chance d'avoir une charrette

Les traginers transportent toutes sortes de produits. Des matières premières, bien sûr: sable, graviers, bois... Tout ce qui sera utilisé dans les constructions, et qu'on ne trouve pas toujours, ou pas en quantité suffisante, sur place.
Le fruit des récoltes, aussi. Ce n'est pas toujours sur le lieu de production qu'on les utilise: le raisin pour le vin, les céréales pour les diverses farines, les herbes et les plantes pour les potions et les baumes des apothicaires...
La nourriture, aussi. La plupart des villages, des hameaux, des mas, sont autonomes pour cela; mais il y a des produits (les poissons, par exemple) ou des périodes (une grande fête, ou au contraire une période de disette) où on a besoin de transporter aussi de la nourriture. Pour les traginers, c'est souvent mieux payé, car les délais sont brefs; mais en conséquence, c'est plus fatiguant, car il ne faut pas traîner en chemin...
 

Plus le traginer transporte, et mieux il gagne sa vie... Alors parfois les charges sont impressionnantes

Mais il y a une chose d'irremplaçable que ce métier permet de transporter et de faire vivre d'un village à l'autre, dans une sorte de flux continu: les nouvelles. Le traginer, en effet, est souvent le seul lien permanent entre des communautés distinctes, et parfois éloignées. À Argelès (et nous ne sommes pourtant pas un village isolé dans la montagne!...), c'est par eux que nous avons appris le siège de Perpignan, en 1641; puis la fin de la guerre, en 1659. Ils en avaient entendu parler lorsqu'ils étaient à la ville, et ont colporté la nouvelle tout leur trajet durant. Il en a été de même, bien sûr, dans toute la région.
Et encore là, je vous parle de nouvelles touchant à l'histoire; mais il en est de même, et de façon bien plus fréquente, pour les nouvelles familiales: le décès d'un aïeul, la naissance d'un enfant, les mariages, les déménagements... Il ne faut pas croire, parce que nous n'avons pas tous les instruments modernes que vous possédez et dont je refuse que Patrick me parle (il n'y tient d'ailleurs pas...), que nous ignorons ce qui se passe chez nos parents éloignés.

Un métier essentiel, donc. Mais tellement difficile!
Les charges, qu'il faut remuer plusieurs fois. Le froid, la pluie, la boue des chemins, les sentiers qui se perdent parfois dans la végétation abondante...
Et les dangers, aussi. De la chute, bien sûr. Mais aussi des voleurs. Ce que le traginer transporte a de la valeur. Parfois beaucoup de valeur. Et il passe souvent dans des sentiers isolés. Forcément, cela suscite des envies. Il n'est pas rare, hélas, qu'un traginer disparaisse on ne sait où, et que plus personne n'entende parler de lui.
Ni de sa cargaison.
 

La terreur de tous les traginers: tomber dans une embuscade

Alors une remarque, en passant.
Quand il vous arrivera, un jour, de pester contre une livraison qui a pris du retard... Pensez à ce que cela pouvait être, à l'époque des traginers!

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L'instruction des enfants

Publié le par Jaume Ribera

Patrick m'a raconté qu'un jour, un auteur (que pourtant il aime bien) lui a dit, en commentant l'une de mes aventures: "Il y a quand même une erreur que vous commettez, c'est que beaucoup de vos personnages lisent et écrivent. Pourtant, on sait que tout le monde était analphabète, à l'époque..."
J'en rigole encore! Quelle méconnaissance de ce qu'est le niveau d'instruction, durant les années 1660!

Entendons-nous bien: je ne suis pas en train de vous dire qu'à mon époque, existe déjà le système complexe des écoles qui est le vôtre, où d'après ce que Patrick m'a raconté, on bourre le crâne des enfants pendant des années, avec tout un tas de connaissances qui ne leur serviront plus par la suite, mais qui les occupent une quarantaine d'heures par semaine... Non. L'éducation, de mon temps, est exclusivement utilitaire. Son but n'est pas tant d'instruire, mais de donner les bases pour une bonne intégration au sein de la vie sociale. On ne fabrique pas des têtes bien pleines, mais des têtes utilement remplies.
 

Une école à la ville... pour les familles les plus aisées

Cela fait de nombreux siècles, depuis les temps de Charlemagne, que les pouvoirs successifs savent qu'il n'y a pas de progrès de la société si la population reste dans l'ignorance totale. Mais les systèmes mis en place sont restés fragiles face aux aléas de leur temps. Depuis presque un siècle (pour moi!), l'Église a pourtant fait de gros efforts. Pas désintéressés, certes: il s'agissait, en instruisant mieux les enfants, de les rendre moins perméables aux idées de la Réforme protestante.

Dans presque toutes nos paroisses, donc, les curés apprennent aux enfants. Au programme: du calcul (simple: celui qui permettra de ne pas se faire rouler lors des transactions, et de connaître l'étendue des champs); un minimum d'écriture (mais le papier est cher; alors on laisse souvent cela de côté); un peu d'anatomie et d'hygiène (mais si!); et surtout beaucoup, mais vraiment beaucoup d'enseignement religieux.
 

L'école aux champs, par le curé du village, qui s'occupe de (presque) tous


Cela se passe, en général, à la cure; en moyenne, pour les enfants entre 7 et 12 ans. Quelques heures par semaine, sauf bien sûr pendant les périodes où les familles ont besoin de tous les bras pour certains travaux dans les champs ou dans les ateliers d'artisans.
Ce n'est pas gratuit, mais le plus souvent le curé est payé par de la nourriture, ou de l'aide dans son propre jardin. Il y a quand même des familles miséreuses qui ne peuvent pas lui confier leurs enfants. Mais il n'est pas rare de voir des curés s'occuper quand même de certains petits mendiants, ne serait-ce que pour les sortir de leur misère.

Enfin en principe, mais en principe seulement, hélas, cette éducation est pour les garçons ET pour les filles. Dans notre pays catalan toutefois, il faut reconnaître que rares sont les petites filles qui sont ainsi instruites. Ce sont la plupart du temps leurs mères ou leurs grands-mères qui leur apprennent tout ce qu'elles doivent savoir pour bien tenir, plus tard, leur maisonnée: un peu de calcul, de la couture, de la cuisine, les soins de base...

Vous le voyez: le système d'éducation des enfants que nous avons est imparfait. À ce que j'ai cru comprendre, d'ailleurs, le vôtre a aussi ses problèmes...
Mais il existe. Et nous ne sommes pas autant d'analphabètes que votre époque se plaît à le croire.

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Vilaclara

Publié le par Jaume Ribera

Ceux qui m'ont suivi dans la résolution du meurtre sauvage de la jeune Rafela Salas (Les Anges de Saint Genis) connaissent bien Vilaclara. C'est dans ce minuscule hameau, proche de Palau del Vidre (un peu au Nord-Ouest d'Argelès), que vivaient la victime et sa famille, si éprouvée durant toute cette enquête.

J'avais vaguement entendu parler de cet endroit avant de m'y rendre. Au milieu d'un bois dense de chênes, il y a une vaste ferme, avec plusieurs dépendances, entourée d'une haute palissade. Et tout près, les vestiges d'un très ancien château. Patrick n'a pas évoqué celui-ci dans le roman, parce qu'il ne joue aucun rôle dans l'intrigue: je n'y suis même pas allé, lors de mes fréquentes incursions dans le domaine de la famille Salas. Il faut dire qu'à mon époque, ce château est totalement en ruines. Il est entouré d'épais ronciers et d'une végétation sauvage, qui dissuadent quiconque de s'approcher.

Les murs aveugles (il n'y a pas d'ouvertures) de cette bâtisse carrée sans charme tiennent encore debout, mais c'est bien la seule chose qui en reste. Il faut dire qu'elle date du XI° siècle, et qu'elle n'a pas été ménagée depuis. De multiples transformations l'ont fragilisée, et le déclin progressif de Palau (qui fut jadis un centre de pouvoir féodal significatif) a entraîné celui de Vilaclara. Un déclin dont Patrick me dit qu'il n'a pas été définitif, puisqu'à votre époque le château a repris vie. Évidemment, les bois ont dans le même temps cédé la place aux cultures et aux voies de circulation. Mais au moins le Castell de Vilaclara a-t-il été sorti du néant. Et rendu un peu moins austère.
 

Les ouvertures et la tour qui surplombe le château sont toutes modernes

Il en est de même de la très curieuse église (en fait, la chapelle du château, durant les siècles anciens), légèrement à l'écart. Elle aussi est en ruines à mon époque, et je suis content qu'elle ait été également sauvée. C'est sa façade, en fait, qui est remarquable: un simple mur, percé d'un sobre portail d'entrée; presque pas d'ouvertures, comme pour le château. Vilaclara, visiblement, n'est pas un endroit dont les occupants successifs aimaient le contact avec l'extérieur...

À mon époque, je ne l'ai jamais vue si bien mise en valeur, cette chapelle!...À mon époque, je ne l'ai jamais vue si bien mise en valeur, cette chapelle!...

À mon époque, je ne l'ai jamais vue si bien mise en valeur, cette chapelle!...

Vous pouvez imaginer l'accueil méfiant et même hostile que j'ai dû affronter, lorsque je m'y suis rendu pour enquêter sur le meurtre de la fille du dernier maître du hameau...

Publié dans Ma région

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Le château d'Ultrera

Publié le par Jaume Ribera

J'ai une drôle de sensation, en débutant ce billet. Parce que lorsque je lui en ai donné le sujet, en lui demandant ce que l'endroit est devenu à votre époque, comme je le fais toujours pour les lieux dont je vous parle, Patrick a eu l'air très ennuyé.
Et il m'a expliqué, sans trop de détails d'ailleurs, que non seulement ce lieu n'existe plus pour vous qu'à l'état de ruines, mais qu'en plus je serai le témoin de sa disparition. "À supposer que tu n'y participes pas, ce qui ne m'étonnerait pas de ta part" a-t-il ajouté... Cela fait drôle, non? Apprendre soudain qu'on va assister à la disparition d'un monument vieux de plus de 1500 ans...
 

Car on vivait encore aux temps romains lorsque ce château a été édifié. Ceux où les grands généraux de la République (Sertorius, Pompée, et bien sûr César) se disputaient notre région. Le château connut ensuite le sort de tout ce que Rome construisit chez nous: le déclin, puis la conquête par les peuplades wisigothiques. C'est d'ailleurs de sa conquête par Wamba, roi des Wisigoths à l'époque, à la fin du VII° siècle, que date la première mention attestée d'Ultrera. Dont on ne sait toujours pas si ce nom est d'origine latine (de vulturia, les vautours), wisigothique (comme l'indique le préfixe Ult), ou même encore antérieure (la langue des Ceretans et des Sartons ne nous est guère connue).

Situé sur un éperon rocheux de moyenne altitude (à peine un peu plus de 500 mètres, me souffle Francisco), le château n'est pas sur la ligne de crête des Albères. Pourtant, il est devenu un élément essentiel dans la défense de toute la région, notamment de ce versant des Albères, voie de tous les trafics jusqu'en Espagne. Outre la surveillance de loin de toute la plaine du Roussillon, sa situation lui permet de contrôler toute la vallée de la Maçana, où se situent La Pava et Lavall, dont je vous ai parlé.
 

Niché dans les Albères, un poste d'observation idéalement placé

Dans le système féodal que les Carolingiens mirent en place, chez nous comme partout ailleurs, et qui constitue aujourd'hui encore la base des aires d'influence, Ultrera dépend de la seigneurie de Sorède. Or, celle-ci est depuis longtemps aux mains d'une famille française d'origine, les Villaplana. Ceci explique qu'Ultrera ait été assez facilement obtenu par les négociateurs français, lors de la définition de la frontière après le Traité des Pyrénées.

Mais d'ores et déjà, les intérêts espérant un retournement de l'histoire qui nous ferait revenir sous la souveraineté de Madrid s'intéressent à Ultrera. En prendre le contrôle serait un avantage considérable pour eux.

Est-ce à cette lutte autour du vieux château que je vais, si j'en crois Patrick, assister?

Publié dans Ma région

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Merci à tous!!!...

Publié le par Patrick Dombrowsky

Hier 25 août, c'était le troisième "mensi-versaire" (néologisme, mais après tout pourquoi pas?) de ce blog.

Et hier 25 août, a été franchi le seuil des 1000 visites uniques.

Rappel: est considérée comme une "visite unique" toute personne qui se connecte sur le blog durant la journée. "Unique", si j'ai bien compris ce qu'on m'a expliqué, veut dire que si la même personne se recontacte durant la même journée, elle ne sera pas recomptabilisée.

C'est donc un indicateur plus fiable que celui des "Pages vues" (presque 2600 à la date d'hier), car celui-ci compte chaque passage sur une page, même s'il s'agit d'un simple retour en arrière. Et même si c'est moi qui "voit" la page, par exemple parce que je suis en train d'en créer une autre... Vous imaginez le bond des statistiques, l'autre jour, lorsque j'ai créé la table des matières du blog: j'ai visité chaque page deux ou trois fois pour récupérer son URL, sa date, son titre, etc...

Tout ceci pour dire que le blog a acquis désormais sa vitesse de croisière. Qu'il a son public, fidèle; et que Jaume et moi nous plaisons à le nourrir.

N'hésitez surtout pas à réagir, à questionner, à suggérer des sujets à traiter, à manifester vos retours: Over-blog a décidé de supprimer le bouton "Like" des pages d'articles. Il nous sera peut-être dès lors moins aisé de deviner quel type d'articles vous préférez lire... Sauf si vous nous le dites, en cliquant sur "Commentaires", juste après chaque article publié.

Et pour vous remercier de votre fidélité au blog de Jaume, une photo d'Argelès comme lui ne pourra voir sa chère cité.

 

Publié dans De la part de Patrick

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La Pava

Publié le par Jaume Ribera

Je vous propose de continuer notre promenade dans ces vallées qui, entre Sorède et Argelès, montent à l'assaut des Albères. Et ce depuis fort longtemps, et pour tous les usages: je vous ai dit que les armées du roi de France Philippe III le Hardi avaient emprunté ce passage pour pouvoir passer de l'autre côté de la montagne. Il paraît même qu'aux temps romains, certains détachements étaient cantonnés par là.

Revenons un peu en arrière, en aval du site de Lavall, dont je vous ai parlé. Une autre paroisse existait, s'étirant sur les toutes premières pentes des Albères: La Pava. Il n'y a plus de hameau, là, même à mon époque; il n'est même pas sûr qu'il y en eut un jadis. La paroisse, plus probablement, réunissait uniquement des mas disséminés. Certains ont fini par être absorbés par Sorède, tandis que d'autres furent attirés par Argelès. Cela fait longtemps, désormais, que La Pava n'a plus de réelle localisation sur place.
 

Même l'église ne subsiste plus qu'à l'état de souvenir. Une chapelle, plutôt. Celle d'un prieuré, sans doute, créé durant le XIII° siècle, probablement sur la base d'une implantation plus ancienne. Cette chapelle portait un nom peu fréquent dans nos contrées catalanes: elle était vouée à Saint Alexandre. J'emploie un temps du passé, car désormais même ce nom a à peu près disparu: quand on en parle (c'est rare!), on l'appelle de plus en plus Santa Maria de La Pava. Et Patrick me dit qu'elle a à nouveau changé de nom par la suite, puisqu'à votre époque vous la connaissez sous le nom de Sant Ferriol.

C'est le destin de la plupart de ces paroisses qui se dépeuplent de plus en plus. Leurs églises ne servent plus au culte. Le plus souvent, quand elles n'ont pas été purement et simplement abandonnées, elles abritent un ermite (c'est le cas à La Pava), qui tente de maintenir un lien entre les mas disséminés.

Et qui a de plus en plus de mal à le faire...

Publié dans Ma région

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Les Catalans: un peuple désormais séparé

Publié le par Jaume Ribera

Vous me direz que c'est le propre de toutes les frontières: séparer des peuples en deux entités qui appartenaient au même ensemble et qui, dès que cette frontière existe, vivent un destin différent. C'est ce qui arrive au peuple catalan, depuis le Traité des Pyrénées et les négociations qui, durant les mois qui ont suivi, ont partagé les villages, lieux-dits et hameaux entre les deux États.

Ce partage a forcément créé des situations difficiles. Ou du moins il a introduit de nouvelles façons, pas toujours simples, d'aménager les relations entre les voisins d'avant. Il y a deux endroits, dans ma région, où les conséquences du traité ont créé une situation véritablement absurde.
À Llívia, bien sûr. En s'accrochant avec force au statut de ville qu'un ancien édit du roi espagnol avait attribué à cette cité, les Espagnols ont fini par conserver la cité. Tous ceux qui ont lu Le novice de Serrabona savent dans quelle mesure j'ai été associé à cela. Le résultat, en tous cas, c'est que Llívia est désormais enclavée dans le territoire français. Et cela ne va pas être facile pour les populations locales: leurs déplacements, leurs échanges, leurs droits fonciers...
 

Où l'on voit qu'outre la cité, deux hameaux ont été conservés par l'Espagne

Au Perthus, plus près d'Argelès. Au cœur d'une des principales voies d'accès vers l'Espagne, empruntée dès les temps romains (on dit que César en personne, mais aussi Pompée, y auraient laissé des vestiges, aujourd'hui disparus...), la vallée se rétrécit tellement que chacun des deux pays voulut garder l'endroit pour lui. On décida finalement de séparer en deux le village: un côté français, à l'Ouest, et un côté espagnol, à l'Est.
 

En noir, la frontière qui coupe Le Perthus en deux

La plupart du temps, néanmoins, la séparation a réussi à éviter les situations les plus problématiques.

Sauf pour le peuple catalan. Pas forcément les gens eux-mêmes, mais l'entité catalane dans son ensemble. Car en presque un millénaire d'existence, c'est la première fois que les Catalans sont divisés entre deux pays distincts. Il n'y a jamais eu d'État catalan puissant, c'est sûr... Mais nous ne sommes pas un peuple disséminé, comme il y en a tant ici ou là (et Patrick me dit que ça ne s'est pas amélioré à votre époque).
Nous sommes un peuple qui est toujours resté uni, parfois dans ses propres structures, parfois à l'intérieur des royaumes espagnols successifs.

Un peuple dont il faudra que je vous raconte certains des pans de son histoire: c'est un sujet qui m'a toujours passionné, et Francisco m'a trouvé plusieurs livres sur le sujet.

Publié dans Ma vie

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Lavall

Publié le par Jaume Ribera

Quand on parle d'un lieu-dit portant le nom de Lavall, dans notre région, ce n'est pas très précis. Parce qu'il y en a beaucoup: Lavall, cela veut dire la vallée. Alors, forcément, dans une aire de montagnes déchirées par de nombreux ruisseaux, c'est un toponyme fréquent.

Celui dont je vais vous parler n'est pas celui que j'ai longuement fréquenté durant l'enquête sur la mort du novice de Serrabona. Celui-ci, ce sera pour une autre fois, peut-être. Aujourd'hui, restons plus près d'Argelès. Dans les Albères, un peu en contrebas de la tour de la Massane, dont je vous ai déjà parlé. Ce Lavall, qui est souvent appelé La Vall de Sant Martí de Montbran est une paroisse, composée comme beaucoup de celles qui sont disséminées sur ce versant des Albères d'un minuscule hameau, et de plusieurs mas isolés. Il n'y a, en fait, quasiment pas de village regroupé.

Une bien petite église, qui a connu tant de siècles, sans pouvoir rassembler un vrai village autour d'elleUne bien petite église, qui a connu tant de siècles, sans pouvoir rassembler un vrai village autour d'elle

Une bien petite église, qui a connu tant de siècles, sans pouvoir rassembler un vrai village autour d'elle

Arrosé par la Maçana, qui n'est là qu'un simple ruisseau de montagne, l'endroit a été d'abord peuplé par les soldats carolingiens venant de repousser les Sarrasins au-delà des Pyrénées, puis par des moines qui y édifièrent pendant moins d'un demi-siècle un très éphémère monastère.
Mais ne croyez pas, à cause de leur départ, que l'endroit est resté dépeuplé. Au contraire. Car la vallée est devenue durant des siècles un des chemins d'accès vers l'Espagne. Emprunté par les voituriers, les marchands, les contrebandiers aussi... Ils suivent, sans doute sans le savoir pour la plupart, les traces d'un roi de France et de son armée. C'était en 1285. Philippe III le Hardi était parti en croisade contre les clans catalans turbulents sur sa frontière méridionale. Empêché de passer par le col du Perthus ou par la côte, il réussit à tromper leur vigilance en empruntant cette étroite vallée. J'imagine l'émoi des habitants de Lavall, devant le passage de tous ces hommes en armes...
 

Sceau de Philippe III le Hardi

Le déclin, toutefois, finit par arriver: il n'y a plus guère qu'une quarantaine d'habitants, dans toute la paroisse, désormais (à mon époque!...). Nul doute qu'elle finira par disparaître un jour...

Comme tant d'autres, dont le nom n'est parfois même pas parvenu jusqu'à vous.

Publié dans Ma région

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Le prieuré Santa Maria del Vilar

Publié le par Jaume Ribera

J'ai été amené à redécouvrir l'existence de ce prieuré lors de mon enquête sur Les anges de Saint Genis. J'en avais entendu parler avant, bien sûr, mais comme d'un lieu abandonné depuis plus d'un siècle (pour moi). Lors de cette enquête, je me suis rendu compte qu'en fait, ces ruines étaient parfois fréquentées, et pas toujours pour des motifs louables.
 

Le prieuré dans les ruines que je connais

Patrick me dit qu'à votre époque, le prieuré a été entièrement restauré, et qu'il a même retrouvé sa vocation religieuse, par l'implantation d'une communauté de moines. Ce n'est même pas imaginable pour moi, tant les lieux sont délabrés, et tant l'accès est difficile. C'est aussi grâce à cet isolement, dans les Albères dominant Villelongue dels Monts, que le lieu abrite parfois des activités souhaitant rester discrètes...

Le prieuré, situé dans les hauteurs abritant la vallée de la rivière de Villelongue

Après cette enquête, Francisco et moi avons fait quelques recherches pour en apprendre plus sur ce prieuré. Et nous avons découvert que les bâtiments actuels (ce qu'il en reste, du moins...) datent du début du millénaire. Une abbaye augustinienne fut créée là à la fin du XI° siècle, durant la grande période de création des implantations religieuses dans la région.

Mais ce lieu de Vilari (devenu par la suite el Vilar) ne fut pas choisi par hasard. Une présence religieuse se trouvait là depuis les temps romains: superposés les uns sur les autres, on y a trouvé un temple païen du premier siècle avant notre ère, une église datant des temps mérovingiens, et un baptistère carolingien. Quant à la vaste salle principale, où la jeune Coloma Barda vécut son terrible calvaire dans Les anges de Saint Genis, elle est tout simplement ce qui reste de la vieille église carolingienne sur laquelle a été édifié le prieuré.
 

L'église actuelle, la nef carolingienne, l'emplacement de l'ancienne église mérovingienneL'église actuelle, la nef carolingienne, l'emplacement de l'ancienne église mérovingienneL'église actuelle, la nef carolingienne, l'emplacement de l'ancienne église mérovingienne

L'église actuelle, la nef carolingienne, l'emplacement de l'ancienne église mérovingienne

Plus de dix-sept siècles d'histoire (sans compter les trois et demi qui vous séparent de mon temps) se sont succédé en ce même endroit... Honnêtement, quand je songe à ce que devait être la région lorsque les premiers humains sont arrivés au Vilar, j'en ai le vertige.

Pas vous?

Publié dans Ma région

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Le boyard Artem

Publié le par Jaume Ribera

De tous les "collègues" enquêteurs dont Patrick me fait passer les livres pour le cas où je voudrais vous en parler, celui-ci est probablement le plus dépaysant. Il y en a d'autres, certes, œuvrant encore plus loin et dans des sociétés encore plus étrangères à la mienne, mais je crois que Patrick n'en a pas lu les enquêtes.

Avec les huit aventures du boyard Artem écrites par Elena Arseneva, nous plongeons dans un univers qui nous est très éloigné, à la fois dans le temps (ces enquêtes ont lieu à la fin du XI° siècle), et dans l'espace. Artem est en effet un militaire et administrateur de haut rang à la cour de Wladimir, prince de Tchernigov, à la limite de ce que vous appelez à votre époque la Russie et l'Ukraine.
En fait, c'est à Francisco que je dois ces explications, car j'avoue que ces lointaines contrées ne sont pas vraiment connues, dans notre région catalane...

Cette période est celle où commence à éclore cet immense pays que vous et moi connaissons sous le nom de Russie, mais qui n'est à l'époque qu'une superposition extrêmement conflictuelle de petites principautés enchevêtrées.
 

En bas à droite, en marron, la principauté de Tchernigov est la plus proche de Kiev

Wladimir (personnage inventé, synthèse historique sinon psychologique des différents princes régnant à l'époque) est un noble jeune, séduisant, plutôt instruit et aux idées ouvertes aux autres. Artem est un de ses hommes de confiance, rigoureux, intuitif, aidé par son intrépide jeune fils adoptif et par ses deux fidèles gardes, Mitko et Vassili. Et bien sûr, en ces temps troublés entre principautés, les complots et les trahisons ne manquent pas, au cœur d'un tissu social tiraillé par les rites séculaires, les croyances païennes, le christianisme orthodoxe encore fragile.

L'intérêt de ces livres ne réside d'ailleurs pas dans les enquêtes elles-mêmes, somme toute assez classiques, mais dans l'extraordinaire découverte à laquelle ils nous convient: celle d'une Rus de Kiev possédant déjà à cette époque une société brillante et largement ouverte sur l'extérieur, surtout vers la si proche Constantinople, ville phare de tout l'Orient, mais qui restait organisée autour d'une hiérarchie sociale très rigide.

Bien sûr, dès qu'il s'agit des terres de Russie et d'Ukraine, toutes les fibres sentimentales de Patrick sont en éveil. Et je comprends que ce personnage du boyard Artem lui plaise tout particulièrement.
Mais moi qui n'ai pas ces origines dans mes veines, j'ai aussi été séduit par ces voyages lointains.

C'est pourquoi je pense que vous le serez aussi...

Publié dans Mes passions

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