Patrick me dit que ce nom de bataille n'est pas resté dans l'histoire. Pourtant, pour tous ceux qui ont vécu ces jours terribles de janvier à mars 1642 (j'avais 12 ans), aucun autre mot ne convient.
Trois mois! Trois mois de lutte entre les armées française et espagnole, au sein de laquelle se trouvaient de nombreux Catalans, des deux côtés des Pyrénées. L'objectif n'était pas le contrôle d'Argelès, non...
Mais de Collioure. Le port était le seul que pouvait utiliser le gouvernement espagnol pour apporter vivres, armes et hommes en Roussillon. Depuis le 4 novembre précédent (1641), en effet, Perpignan était assiégée. Et les Français avaient vraiment tout fait pour rendre ce siège impitoyable: dans tous les villages autour de Perpignan, les moulins avaient été détruits; partout, les réserves de blé, de farine, de grain... tout avait été confisqué. La ville ne pouvait être désormais ravitaillée que par la mer, et donc par Collioure. C'est pour cela, je vous l'ai raconté, qu'Argelès avait été conquise; parce que notre cité contrôlait la grande route reliant Collioure et Perpignan.
Les Espagnols, à Perpignan et dans le royaume, avaient fait le même calcul: pour pouvoir apporter des vivres à Perpignan, il fallait reprendre Argelès. On ne sait trop comment, la garnison assiégée à Perpignan, affamée et presque à bout de forces réussit à communiquer avec celle de Collioure. Les deux réussirent une opération conjointe au changement d'année. Et le matin du 4 janvier (1642), les deux bataillons espagnols firent leur jonction ... devant Argelès.
La bataille a duré trois jours. Les canons français ont causé de considérables destructions dans la cité. Des morts, aussi; mais surtout au sein de la population, pas beaucoup dans la garnison, qui sortait peu des murailles.
Et finalement, Argelès a été prise. Nous étions à nouveau Espagnols. Les 800 hommes de la garnison furent faits prisonniers, les Catalans (assimilés à des traîtres à leur couronne) ont été conduits de l'autre côté des Pyrénées; les Français furent conduits du côté de Trouillas.
Mais pouvions-nous être contents de cette issue? Bien sûr, les combats cessèrent; mais beaucoup disaient que les Français n'allaient pas en rester là; qu'ils ne pouvaient pas permettre cette perte, qui ouvrait largement la route entre Collioure et Perpignan.
Et dans la cité, le bilan de ces trois jours fut terrible: le quart des maisons de la cité ont été rasées, soit parce qu'elles étaient trop abîmées, soit par représailles. Entre 1641 et 1642, le nombre de morts fut plus quatre fois plus élevé que lors de deux années "normales".
Et ce ne fut pas fini... Hélas...

Celui qui nous avait conquis: Louis, duc d'Arpajon, qui commandait le détachement français lorsque Argelès fut conquise, en juin 1641.

Celui qui nous a perdus: le marquis de Brézé, pourtant vice-Roi de Catalogne, qui n'a pas su se donner un objectif clair et finit par être pris de vitesse par le marquis de Torracusa, qui commanda la reconquête d'une partie du Roussillon (mais échoua à libérer Perpignan).