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mon environnement social

Florins et écus

Publié le par Jaume Ribera

En vous parlant des pallofes, il y a déjà presque un mois, cela ne concernait que de la menue monnaie. Des piécettes sans grande valeur qui permettaient les achats les plus modestes du quotidien. Toutefois bien sûr ces petites monnaies ne constituaient pas les seules circulant dans notre région.

Autant le dire tout de suite: le système monétaire que nous connaissons vit sous le règne d'un désordre indescriptible. Entre les monnaies espagnoles qui continuent d'avoir cours malgré le rattachement de 1659; les monnaies françaises que les autorités essayent d'implanter mais qui sont regardées avec méfiance; les anciennes pièces (parfois fort anciennes) qui n'ont jamais été démonétisées; celles qui ont été plus ou moins retouchées; les monnaies de nécessité dues au manque d'argent durant les périodes de guerre et frappées par diverses autorités... On estime qu'il y a environ 150 pièces différentes en circulation de nos jours!... C'est dire s'il est parfois difficile de s'y retrouver! Et si les échanges commerciaux entre nous tous reposent encore plus que d'habitude sur la confiance.

Certaines de ces pièces ont une très grande valeur: ce sont celles en or, bien entendu.

Lentement, l'écu français remplace le florin espagnol
Lentement, l'écu français remplace le florin espagnol

Lentement, l'écu français remplace le florin espagnol

Bien sûr, dans notre petite cité d'Argelès, il est rare que de telles monnaies soient utilisées. Elles ont trop de valeur! Quoi que ceux d'entre vous qui ont lu ma dernière aventure savent que les écus d'or français ont pu servir parfois de bien noirs desseins.

Quoi qu'il en soit, la valeur des pièces est très fluctuante dans notre région. Et elle repose énormément sur la confiance entre acheteurs et vendeurs... D'une certaine manière, on peut considérer que cela renforce notre tissu social, qui a tant besoin d'être reconstruit.
Même si les nouvelles autorités essaient de mettre de l'ordre dans tout ça, il est à craindre que le désordre monétaire dure encore pendant des décennies... Patrick semble avoir une petite idée là-dessus, mais il refuse de m'en dire plus. Alors même si je sais qu'il collectionne (aussi) les pièces anciennes, je garde ces représentations pour moi!

Quelques exemples tirés de ma bourse!Quelques exemples tirés de ma bourse!
Quelques exemples tirés de ma bourse!Quelques exemples tirés de ma bourse!

Quelques exemples tirés de ma bourse!

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Les pallofes

Publié le par Jaume Ribera

Il est arrivé, à deux ou trois reprises, de les trouver mentionnées dans les livres narrant mes enquêtes. Les pallofes, qu'on peut aussi écrire pellofes; de toutes façons, les deux orthographes se prononcent pareil ! Vu le contexte dans lequel on les rencontre, il est aisé de deviner de quoi il s'agit. Ces petites piécettes nous servent de menue monnaie au quotidien, comme si elles étaient réellement de l'argent.

Mais qu'est-ce, précisément, qu'une pallofa?
Le mot lui-même vient du catalan pell, qui signifie la peau. Ces monnaies sont en effet extrêmement minces et seul le fait qu'elles soient en métal (le plus souvent en laiton) empêche de les tordre comme on le ferait d'un simple tissu. Cette très faible épaisseur est d'une part due au souci de ne pas gaspiller trop de matière pour les fabriquer; elle a aussi pour cause le fait que ces objets n'avaient pas pour vocation d'être utilisés fréquemment et de passer de mains en mains.

À l'origine, il s'agit simplement de jetons de présence! Dans les petites paroisses, dotées d'un seul curé qui est à la fois prêtre, vicaire, bedeau... la question ne se pose pas: c'est lui qui fait tout pour l'entretien de son église et la vie spirituelle de la paroisse. Mais dans les cités disposant de plusieurs prêtres, leurs revenus dépendaient aussi de qui avait effectué quoi parmi les multiples tâches et services religieux qu'il fallait gérer. D'où l'idée de donner au desservant une pallofa (ou même plusieurs dans certains cas) qui lui permettrait ensuite d'être rémunéré en argent concret selon le "travail" qu'il aura effectué.

Entre la cathédrale de Perpignan et une petite église de campagne (ici St Marti de Montbram, à Sorède): des besoins différentsEntre la cathédrale de Perpignan et une petite église de campagne (ici St Marti de Montbram, à Sorède): des besoins différents

Entre la cathédrale de Perpignan et une petite église de campagne (ici St Marti de Montbram, à Sorède): des besoins différents

Durant les temps difficiles des années de guerre, l'État espagnol cessa de contrôler quoi que ce fût chez nous, sans que son voisin français se fût réellement installé. La création monétaire n'était une priorité pour aucun des deux en tous cas dans les terres catalanes. Or même si nous avons beaucoup pratiqué le troc, durant ces années-là, on ne peut pas complètement se passer de l'argent.

Peu à peu, il devint habituel de donner des pallofes également aux fidèles qui assistaient aux offices, en commençant par les plus nécessiteux. Certains esprits taquins prétendaient d'ailleurs que cela les motivait plus sûrement que les sermons des curés!... Allez savoir!
Quoi qu'il en soit, les commerçants du quotidien (les boulangers, les bouchers, par exemple) se mirent à accepter ces simples jetons de présence pour être payés quand il s'agissait de petites sommes.

Et c'est ainsi que les pallofes sont devenues une véritable monnaie dans notre société catalane en reconstruction. Des abbayes, des communautés religieuses, certaines cités aussi (Perpignan, Elne, Thuir, Vinça, Ille... mais pas mon Argelès natale, trop petite encore) se mirent à en produire, multipliant les modèles rencontrés. Mais cela n'est pas gênant: rares sont ceux qui attachent de l'importance aux dessins représentés, même s'ils sont rarement vides de sens.

Dans le sens horaire: communauté d'Elne; chapitre diocésain de Perpignan; pallofa d'enterrement; communauté de Saint Jean (Perpignan)Dans le sens horaire: communauté d'Elne; chapitre diocésain de Perpignan; pallofa d'enterrement; communauté de Saint Jean (Perpignan)
Dans le sens horaire: communauté d'Elne; chapitre diocésain de Perpignan; pallofa d'enterrement; communauté de Saint Jean (Perpignan)Dans le sens horaire: communauté d'Elne; chapitre diocésain de Perpignan; pallofa d'enterrement; communauté de Saint Jean (Perpignan)

Dans le sens horaire: communauté d'Elne; chapitre diocésain de Perpignan; pallofa d'enterrement; communauté de Saint Jean (Perpignan)

L'inconvénient majeur du système est toutefois que la valeur de cette "monnaie" n'est fondée sur aucun outil fiable et encore moins stable. Tout repose sur les liens de confiance entre le vendeur et l'acheteur du bien concerné.

Or la confiance, dans une société qui, il y a encore peu de temps, était tiraillée par la guerre.... C'est fragile et fluctuant.

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Que sont nos nobles devenus?

Publié le par Jaume Ribera

Cela vous paraît peut-être curieux que je m'intéresse dans ces lignes au sort des familles nobles de nos terres catalanes. À ce que me dit Patrick, cela fait bien longtemps que votre époque ne concède plus de rôle à la noblesse ancienne.
Ceci dit, il paraît que votre société a fait croître bien d'autres castes fonctionnant selon un mode quasi nobiliaire, à la légitimité et aux mérites pourtant bien moins tangibles. Mais passons!...
Le traité de 1659 nous a fait changer de nationalité, c'est bien connu. Ce à quoi on pense moins souvent, c'est qu'il a profondément modifié bien des choses dans l'organisation de notre société.
 

Le début de ce document de 124 articles âprement négociés

Le début de ce document de 124 articles âprement négociés

Je vous ai déjà parlé, il y a quelques temps, des modifications institutionnelles connues par notre région (qui gouverne quoi, dorénavant?). Je n'y reviens donc pas.

Au-delà de ces réglages purement mécaniques, il y a un changement plus profond qui est en cours depuis ce traité. À mon avis, il va prendre de nombreuses décennies (des siècles???) pour se stabiliser: la hiérarchie sociale de notre société change! Car la France, ce n'est pas l'Espagne. Au-delà de l'évidence du propos, je veux dire que l'organisation de la société française n'est pas la même que celle que nous connaissions sous la couronne espagnole. Avec un élément rendant la chose encore plus complexe: l'état de quasi-sécession de notre région catalane (de part et d'autre des Pyrénées) depuis le début des années 1640.

C'est d'ailleurs cette séparation de facto d'avec Madrid qui est cause du bouleversement qui a touché de plein fouet bien des familles de la noblesse catalane. Pour une raison simple: il y a eu ceux qui restèrent fidèles au royaume espagnol et ceux qui au contraire placèrent leurs espoirs dans la France.

Traditionnellement, notre société connaissait trois niveaux de noblesse.
   - La haute aristocratie. En général espagnole, souvent constituée de proches de la cour et du roi, elle a perdu toute influence chez nous au fil des événements liés à la guerre contre la France. Pour la plupart, ils vivent du côté espagnol de la nouvelle frontière et je crois que vous en avez rencontré quelques-uns dans le récit d'une de mes enquêtes (Le sel de Cosprons).
   - La noblesse locale. Elle est moins liée à la possession de fiefs territoriaux que c'est le cas en France (nous n'avons pas réellement connu de passé féodal, dans notre région). Il y eut, c'est vrai, par périodes, des vicomtés qui se créèrent (Ille, Fenouillèdes, Castelnou, Besalù...), des baronnies qui apparurent soudain (Sorède, Montalba, Vilaro...); mais le plus souvent des familles ont érigé de véritables fiefs sans pour autant se parer de titres spécifiques (les Cadell à Espira, les Morer à Finestret, les Marill à Maureillas...).
   - Les bourgeois annoblis (burges honrats). Dans notre région, c'est une spécificité appartenant aux grandes villes: la possibilité d'accorder cette appellation donnant un statut juridique à certaines personnes en raison de leur situation économique et sociale privilégiée (c'est-à-dire, soyons clairs, en fonction de leur capacité financière et fiscale).

Représentation fort ancienne de la haute aristocratie catalane

Représentation fort ancienne de la haute aristocratie catalane

Que va changer le traité qui nous a rendus français à ceci? Je ne suis pas devin, certes... Mais même sans demander à Patrick de chercher pour moi, je peux déjà constater certains évolutions.
   - La haute aristocratie est progressivement remplacée par de nouveaux nobles ... français. Auxquels sont confiés des fonctions administratives prestigieuses (le gouverneur Anne de Noailles en étant le principal exemple).
   - La petite noblesse locale s'appauvrit peu à peu et perd de son prestige auprès de la population, notamment parce qu'elle a de plus en plus de mal à entretenir ses biens fonciers. Il y a tant et tant de châteaux plus ou moins abandonnés ou qui menacent ruine! Et pas seulement à cause des destructions guerrières...
   - Les bourgeois honorés, pour leur part, prennent de plus en plus d'influence dans la gestion des villes et des cités. Ils sont probablement la base sur laquelle se constituera dans les prochains siècles une nouvelle noblesse...

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Et si nous parlions "bruixes"???

Publié le par Jaume Ribera

Là, j'en devine déjà plusieurs parmi vous qui s'interrogent: "Bruixes"? De quoi veut-il nous parler, le Jaume???

Alors que je vous affranchisse tout de suite: les "bruixes", en catalan, sont les sorcières. Mais si ce n'était que cela, ce serait simple et ne mériterait pas un billet dans ce blog. D'une part en effet les sorcières, c'est bien connu, n'existent pas... Et d'autre part elles ne servent qu'à faire peur aux petits enfants.

Or ça, c'est dans le confort rationnel (paraît-il) de votre XXI° siècle que vous le pensez. À mon époque il en va tout autrement! Je vis en effet en un temps où les superstitions sont encore vivaces. Et où même les gens les plus censés peuvent y succomber. Il faut dire que l'Église, l'État, les structures locales, mettent tout en œuvre pour "faire rentrer dans le rang" tous ceux qui, pour une raison ou une autre (difformités physiques, troubles qu'en votre temps on appelle psychologiques, aléas de la vie, jalousies diverses...) tendent à sortir du cadre général. Et s'ils résistent... les mêmes (Église, État, structures locales...) vont chercher à supprimer l'intrus. Quitte à ratisser très large, pour être sûrs de n'en oublier aucun(e).

Et il faut reconnaître, hélas, que nos terres catalanes, surtout au Sud des Pyrénées, côté espagnol, mais aussi chez nous où environ 200 victimes ont été recensées, m'a expliqué Francisco, ont fourni un lourd contingent à ce qui s'est souvent apparenté à un véritable massacre... Car la plupart du temps, c'était la potence ou le bûcher qui attendait la "bruixe".

La carte des mises à mort, au fil des siècles

La carte des mises à mort, au fil des siècles

En effet, bien sûr et hélas, ce sont surtout des femmes qui ont été les victimes de ces mises à mort soi-disant judiciaires. Les "tribunaux" qui les condamnaient étaient en réalité dénués de toute justice: elles étaient FORCÉMENT coupables; l'enjeu des procès n'était donc pas d'en peser le pour et le contre, mais de les amener à avouer... et à se repentir. Donc bien sûr menaces, coups, viols, chantages, tout fut bon pour prouver leur culpabilité.

Jusqu'au fréquent recours aux sinistres ordalies, si improprement appelées "jugements de Dieu". Il y en avait plusieurs sortes, toutes aussi absurdes les unes que les autres. Prenez le principe de l'ordalie par l'eau, par exemple. L'accusé était jeté dans l'eau, pieds et poings liés. S'il flottait, c'est qu'il était coupable; donc on l'exécutait. S'il coulait, c'est qu'il était innocent; mais il était mort quand même, noyé... J'ai employé le masculin par simplicité d'écriture mais cela valait aussi (surtout?) pour les femmes.

Et encore là, les dessinateurs ont laissé les vêtements!Et encore là, les dessinateurs ont laissé les vêtements!

Et encore là, les dessinateurs ont laissé les vêtements!

Heureusement, si j'ose dire, les années de guerres ont mis fin à la dernière vague de violence, celle qui avait débuté avec mon XVII° siècle. On avait alors autre chose à faire qu'à pourchasser de soi-disant sorcières!

Dans les campagnes, toutefois, la peur de l'inconnu et les croyances superstitieuses continuent parfois de sévir. Et l'accusation d'être une "bruixe" peut détruire une réputation, voire pire. J'ai hélas eu l'occasion de m'en rendre compte il y a peu de temps (mais chuttt! Patrick ne veut pas que je vous en dise plus...).

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Des animaux de compagnie???

Publié le par Jaume Ribera

Il y a bien sûr énormément de différences (voire de divergences) entre votre époque et la mienne. Il en est une qui touche au mode de vie des individus de tout rang social: la place faite aux animaux. Si j'en crois ce que me raconte Patrick, certains ne reculent devant aucune extravagance en vos temps...

Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???

Pour mes contemporains (comme pour moi d'ailleurs), l'animal ne peut exister auprès de l'être humain que parce qu'il y a un e bonne raison pour ça. Je ne parle bien sûr pas ici des animaux sauvages, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas de contacts réguliers avec les humains. Ceci étant précisé, il n'y a dans notre vision de la vie que deux types d'animaux.

- Ceux qui ont une utilité économique ou pratique. Le plus important parmi ceux-ci est bien sûr le cheval, qui est avant tout notre principal moyen de transport. À l'extérieur des villes, tout le monde sait monter à cheval dès sa plus jeune enfance. Et souvent à cru! La seule vraie difficulté est qu'un cheval coûte cher. À acheter et surtout à entretenir! C'est pour cela que beaucoup se contentent d'un simple âne, ou d'un mulet.
Les autres animaux utiles sont ceux que l'on rencontre dans toutes les fermes: bovins, ovins, volailles, porcins... Ceux-ci ne sont pas uniquement des réserves de nourriture. Ils sont nécessaires pour l'élimination des déchets, les travaux des champs, la collecte de leur laine... Ils sont aussi une source appréciable de revenus, lorsque les portées ont été fécondes.

Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???
Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???
Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???

- Ceux qui sont uniquement des proies. Dans quel but? La nourriture bien sûr! Hormis les poissons (de mer ou de rivière), qui ne nous servent à rien d'autre, ils ne sont d'ailleurs pas si nombreux que ça, car les chasser nécessite des moyens qui ne sont pas disponibles pour tout le monde. De plus, les gibiers posent d'autres problèmes. Hormis le petit gibier (lapins et oiseaux essentiellement, capturés la plupart du temps par des pièges), les grosses pièces (chevreuils, cerfs, voire sangliers...) nécessitent que leur viande soit correctement conservée pour être consommable sans danger. Or à mon époque, les moyens de conservation ne sont pas très sophistiqués, hormis les salaisons. Sachant que le sel est devenu une denrée très chère, depuis que notre nouveau roi nous a assujettis à la gabelle, que notre région n'avait jamais connue sous la couronne espagnole.

Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???

Je vous devine en train de protester: "Et les chiens et les chats, alors?". Car je sais qu'à votre époque, ces deux espèces vivent totalement avec vous, sans autre fonction que d'égayer votre quotidien. Pour mes contemporains, ils font uniquement partie de la première catégorie dont je vous ai parlé. Les chiens parce qu'ils nous aident à la chasse et qu'ils surveillent la sécurité de nos habitations. Les chats parce qu'ils sont les prédateurs principaux des rats et des souris qui en veulent aux réserves de nourriture que nous avons dans nos celliers ou nos greniers. Et c'est tout!

Ce qui ne nous empêche pas, rassurez-vous, d'avoir de l'affection pour nos animaux et d'apprécier leur compagnie. Mais que voulez-vous! À mon époque, l'impératif majeur pour la majorité d'entre nous est celui de la survie. Dans un contexte social où pour beaucoup il est difficile de nourrir tous les humains habitant la maisonnée, il serait impensable d'ajouter d'autres bouches à nourrir, félines ou canines... uniquement pour avoir de la compagnie!...

Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???
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Disparaître à mon époque...

Publié le par Jaume Ribera

Même si Patrick fait toujours très attention à ne pas me perturber quand il me parle (un peu) du monde dans lequel il vit (vous aussi, d'ailleurs), il lui arrive d'évoquer des choses pour lesquelles j'ai du mal à comprendre ce qu'il veut me dire. Ou au contraire je comprends trop bien ... qu'il se trompe totalement sur la réalité de mon monde.

L'autre jour durant un de nos échanges, il a soudain laissé tomber une phrase illustrant parfaitement ce fait. "Tu te rends compte que chaque année, dans notre pays, il y a environ 1000 personnes qui disparaissent totalement et qu'on ne retrouve jamais! Deux fois la population d'Argelès chaque année! Ce n'est pas à ton époque que cela serait arriverait... Vous êtes tellement plus solidaires entre vous..."
Solidaires?... Oui bien sûr...
Plus que vous? Je n'en sais rien, après tout: je ne vis pas à votre époque! D'après ce qu'il m'en dit, cela semble probable... Mais peu importe.

Si toutefois vous pensez comme lui, détrompez-vous: de mon temps aussi elles sont relativement fréquentes, les disparitions. Je ne parle pas de cas comme celui de mon ami Emanuel d'Oms, parti il y a plus d'un an avec femme et enfants dans les lointaines îles des Amériques et dont nous sommes sans nouvelles depuis. Je parle de gens qui ont quitté leur maison pour aller vaquer à diverses occupations (parfois anodines) et que plus personne n'a revus vivants ou morts. À part le bouche à oreille, nous ne disposons d'aucun moyen pour faire savoir que quelqu'un les recherche.

Du plus rudimentaire au plus sophistiqué...Du plus rudimentaire au plus sophistiqué...

Du plus rudimentaire au plus sophistiqué...

Pourquoi disparaît-on, à mon époque? Difficile d'avoir une réponse qui englobe tous les cas particuliers.

Bien sûr il arrive que certains le fassent pour changer de vie; pour partir voir ailleurs si leur destin ne serait pas meilleur que là où ils se trouvent depuis leur naissance. Nos temps, toutefois, ne sont guère propices à de tels cheminements personnels. Certains diront que nous sommes trop préoccupés par la nécessité de simplement survivre pour nous demander si nous ne pourrions pas mieux vivre. Sans doute. Peut-être aussi savons-nous nous contenter de ce que nous avons, sans chercher à atteindre un mieux qui risque fort d'être inatteignable.

Certains peuvent avoir fait une mauvaise rencontre qui leur aura été fatale, leur meurtrier réussissant à faire disparaître à tout jamais le cadavre, preuve de son forfait. Je vous l'ai déjà expliqué, je crois: nous nous déplaçons beaucoup (beaucoup plus qu'on le croit à votre époque) et parfois sur d'assez longues distances. Et bien sûr durant ces déplacements nous n'avons plus de contacts avec notre entourage proche. Ce n'est qu'après plusieurs semaines que notre absence deviendra vraiment inquiétante pour lui.

Enfin, et c'est le cas le plus fréquent, un accident peut survenir lors d'un de ces déplacements. Quelqu'un meurt ou est trouvé mort alors qu'il n'est que de passage dans une paroisse trop éloignée de son lieu d'origine pour qu'on sache plus que son nom (et encore pas toujours). Il n'y aura pas d'autre alternative pour le curé de l'endroit que de l'inhumer et d'écrire quelques lignes lapidaires dans ses registres. Sans pouvoir prévenir qui que ce soit...

Dans ce cas, par exemple, comment savoir qui étaient ces deux pauvres victimes de noyade? D'où venaient-elles? Et qui étaient les proches qui ne purent que les pleurer sans rien connaître de leur sort fatal?

Deux femmes trouvées noyées dans le Tech

Deux femmes trouvées noyées dans le Tech

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Transporter et conserver l'argent

Publié le par Jaume Ribera

J'ai eu un véritable choc il y a quelques jours quand j'ai posé une question pourtant anodine à Patrick. Il me parlait d'un gros achat qu'il avait à faire et je lui ai demandé: "Comment fais-tu pour garder tout cet argent chez toi et pour ensuite le transporter chez celui à qui tu vas acheter cet objet?"
Il m'a répondu des choses incompréhensibles pour moi: Euros, Francs (il paraît même qu'il y en avait des Nouveaux et des Anciens!...), chèque, Carte bleue, Crip... Cryto... Cryptomonnaies, dématérialisation de l'argent... Enfin bref un charabia incroyable... Même Francisco, quand je le lui ai raconté, m'a dit: "Dans quel monde de fous vit-il, ton Patrick?" Lui et moi avons été d'accord: rien de plus sûr, finalement, qu'un bon lot de pièces d'or!...

L'or, mais aussi tout autre métal monétaire

L'or, mais aussi tout autre métal monétaire

Reste quand même que notre époque, même en temps de paix, n'est pas sûre. Et que pour conserver ou transporter l'or ou les monnaies dont nous disposons, se pose une question majeure: comment faire? Bien sûr si la somme n'est pas très importante, le plus simple est le gousset. À l'origine, c'était une discrète poche cousue sous l'aisselle. Elle tirait son nom de la pièce d'armure qui jadis protégeait toute l'articulation de l'épaule jusqu'aux aisselles. Puis pour plus de confort on a fini par la porter à la ceinture, comme une simple bourse.
Mais quand il y a vraiment beaucoup d'argent à transporter ou à conserver chez soi? On peut certes l'enterrer dans un endroit discret. Beaucoup le font. Et je parie que pendant longtemps (peut-être encore à votre époque) on trouvera ici ou là des lots de monnaies plus ou moins importants, qui auront été trop bien cachés et finalement oubliés...

De plus en plus néanmoins, ceux qui ont beaucoup d'argent le gardent dans des cassettes. Plus ou moins discrètes (il ne s'agit pas non plus d'attirer l'œil d'éventuels voleurs), plus ou moins ouvragées et décorées (on tient aussi souvent à montrer son opulence), elles se rangent facilement dans un endroit discret de la maisonnée. Fréquemment dans le grand bahut de la pièce commune, où finalement on met de tout: linges, provisions, vaisselle, verreries... Alors pourquoi pas une cassette, qui n'en sera que mieux dissimulée qu'il y aura beaucoup de choses dans le bahut?...

La richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaireLa richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaire
La richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaireLa richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaire
La richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaireLa richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaire

La richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaire

Et pour transporter le tout? Car c'est un impératif de mon temps: on ne paye pas (pas encore, me dit Patrick en ricanant un peu) avec des bouts de papier voire par de simples promesses... Il y a bien un moment où l'acquéreur doit donner à son vendeur le lot de pièces grâce auquel il pourra acheter veau, vache, cochon, couvée (il paraît que dans quelques années, un poète de la Cour du Roi, à Paris, utilisera aussi cette formule!... 😉), mais aussi terrain, maison, outils...

Alors il faut transporter le magot. Et parfois sur de longues distances. Quoi de mieux qu'un coffre, alors? Après tout c'est un des moyens les plus anciens pour transporter ce que l'on possède de précieux.

Des coffres pour tous les goûtsDes coffres pour tous les goûtsDes coffres pour tous les goûts

Des coffres pour tous les goûts

Mais je vous l'ai dit: les temps ne sont pas sûrs!... Alors les fabricants de coffres rivalisent d'ingéniosité pour dissimuler des compartiments secrets plus ou moins grands dans leurs réalisations. Ainsi espèrent-ils tromper les voleurs en sauvant une partie de l'argent transporté. À condition bien sûr de savoir trouver toutes les caches. Elle sont parfois nombreuses et inattendues.

Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?
Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?

Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?

C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à un coffre qui... Mais chuttt! Patrick m'a fait promettre de ne rien dévoiler du récit de ma dernière enquête, qu'il est en train de finaliser...

Alors il vous faudra attendre qu'il ait fini...😊

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La passion du jeu

Publié le par Jaume Ribera

Et si nous jouions aux cartes?

Bon je sais! Séparés les uns des autres par 360 années, cela ne va pas être simple à organiser!... Alors je vais être plus modeste et me contenter de vous parler de ces petits bouts de carton qui sont récemment venus perturber la quiétude de ma cité d'Argelès. Patrick me dit d'ailleurs qu'il vous raconte tout cela dans le prochain récit qu'il publiera bientôt.

Notre société, contrairement à ce que beaucoup croient à votre époque, n'est pas triste. Au-delà des moments consacrés au labeur (dur, certes), les occasions de se distraire et de se réjouir ne manquent pas. Et reconnaissons-le: les jeux de cartes ne sont pas rares dans les tavernes et les hostelleries.

Il faut dire qu'elles sont belles, les cartes de notre pays catalan. Même si elles sont surtout répandues en Espagne, nous les appelons des cartes catalanes. Car nous savons bien que c'est grâce aux échanges maritimes autour de la Méditerranée que ces objets se sont introduits dans la péninsule, par le port de Barcelone. C'était il y a ... pas mal de temps. À la fin du quatorzième siècle.

Certains jeux sont particulièrement esthétiques

Certains jeux sont particulièrement esthétiques

Si le dessin peut parfois changer, au gré de l'inspiration du cartier, les signes sont immuables. Il y en a quatre différents. Selon certains ils représentent les quatre niveaux de la société catalane de l'époque. Moi j'ai tendance à me méfier de ces explications qui veulent toujours trouver du sens historico-politique au moindre fait social. C'est vrai que ça ne coûte rien d'y croire, mais je vous laisse vous faire vous-même votre opinion...

  1. Les espases (les épées). Qui bien sûr symboliseraient les nobles, qui occupent l'essentiel des fonctions militaires à mon époque.
  2. Les copes (les coupes). Qui ne seraient pas de simples verres, mais des calices. Instrument par excellence des religieux, symbolisant donc le clergé.
  3. L'or (que l'on appelle aussi les deniers, ou tout simplement les pièces). Bien sûr il symbolise la richesse apportée par le commerce et les échanges.
  4. Les bastos (les bâtons). De véritables gourdins, en fait, plus ou moins stylisés, qui représentent les travailleurs de la terre, les plus nombreux de la population.
Avaient-ils le sens qu'on leur prête parfois? Peu importe finalement...

Avaient-ils le sens qu'on leur prête parfois? Peu importe finalement...

Un jeu normal a 48 cartes, 12 de chaque signe. Les neuf premières sont classiques et ne représentent que le nombre d'objets qu'elles valent. Les trois plus fortes représentent des êtres humains, dotés du signe de la carte. Très classiquement, on retrouve la trilogie que vous connaissez dans vos propres jeux de cartes. Au sommet se trouve (bien sûr!) le Roi. Juste après les simples valeurs, se situe le Valet (ou l'écuyer). Entre les deux ... je ne me prononcerai pas. Pour certains c'est le Cavalier. Mais d'autres pensent qu'il s'agirait en fait d'une cavalière, voire d'une reine. N'oubliez pas, de toutes façons, que dans mon siècle la place des femmes n'a rien à voir avec ce qu'il est devenu à votre époque. Là encore, c'est l'inspiration du maître cartier ou la demande de son client qui feront pencher le dessin vers un personnage masculin ou féminin...

De toutes façons, dans les plus anciens jeux (celui-ci est de 1390), bien malin qui pouvait distinguer hommes et femmes

De toutes façons, dans les plus anciens jeux (celui-ci est de 1390), bien malin qui pouvait distinguer hommes et femmes

Vous allez me dire que tout cela est bien joli... Mais à quoi joue-t-on avec ces cartes? Ils sont nombreux, les jeux qui ont été inventés au fil des siècles. Laissez-moi juste le temps de mettre tout cela en ordre dans mon esprit... et je vous en parlerai avec plus de détails.

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Se déplacer par mer à mon époque

Publié le par Jaume Ribera

Je ne sais pas comment il faudra qualifier ma dernière aventure. Celle que Patrick est en train de mettre en forme pour vous et sur laquelle il m'a fait promettre le silence le plus total. Une enquête au sens usuel du terme? Une quête personnelle? Une rencontre avec un lointain passé qu'on aurait pu croire oublié?
Je ne sais pas non plus ce que vous-mêmes en penserez. Moi en tous cas elle m'a procuré un sacré lot de surprises!...

Plus prosaïquement elle m'a aussi permis d'en apprendre un peu plus sur une de mes grandes amies auprès de laquelle j'habite depuis toujours sans finalement vraiment la connaître: la mer! Cette vaste étendue bleutée auprès de laquelle j'aime venir méditer lorsque j'en ai le temps. Si calme et pourtant si souvent sujette à de brusques sautes d'humeur...

Si j'en crois Patrick (je me méfie parfois avec ses affirmations péremptoires, invérifiables pour moi par-delà les siècles), pour vous la Méditerranée c'est ça:

Argelès, minuscule point rouge en haut à gauche de cette immensité...

Argelès, minuscule point rouge en haut à gauche de cette immensité...

Il n'arrive pas à comprendre, et pourtant je le lui ai souvent répété, que pour moi c'est uniquement ça:

Argelès, toujours signalée par un point rouge, cette fois-ci un peu plus gros...

Argelès, toujours signalée par un point rouge, cette fois-ci un peu plus gros...

Évidemment, vu sous mon angle, l'utilité de cette mer n'apparaît pas très grande. J'ai longtemps estimé qu'elle ne servait guère que pour mes rêveries et pendant longtemps aux incursions de visiteurs mal intentionnés (jadis des pirates; durant les dernières guerres des navires espagnols soucieux de contrôler les accès au port de Collioure).
Je vous imagine en train de vous insurger: "Et la pêche, alors"?

Contrairement aux cités de la côte rocheuse (Collioure, Banyuls, quelques autres au-delà de la montagne), il n'y a jamais eu beaucoup de pêcheurs à Argelès. Mon vieil ami Miquel Paco, que les lecteurs de mes enquêtes ont souvent rencontré, fut l'un des derniers à y exercer ce métier si ingrat. De toutes façons nous ne consommons pas beaucoup de poisson dans notre nourriture quotidienne: il est tellement difficile à conserver en bon état!
Et pourtant au cours de mes récentes péripéties que vous découvrirez dans quelques temps j'ai appris que Miquel ne se servait pas de sa barque uniquement pour ramener du poisson. Et ceci depuis bien avant que je les connaisse, lui et sa barque à fond plat.
 

Se déplacer par mer à mon époque

Cette découverte m'a amené à regarder ma voisine maritime d'un œil nouveau. D'autant qu'en en discutant avec Francisco j'ai appris qu'il n'était pas le seul à louer l'utilisation de sa barque pour ... transporter des passagers ici ou là le long de la côte.
Je savais bien sûr que cela se pratiquait pour convoyer des produits de contrebande. J'ai appris que ce moyen de transport par la mer servait aussi pour se déplacer plus discrètement qu'à cheval et plus rapidement qu'à pied. Soyons honnête: ce système de cabotage sur de courtes distances sert essentiellement aux échanges de marchandises. Il n'y a pas de grands ports dans notre région. Collioure est le seul et il a été totalement consacré aux mouvements des bateaux de guerre durant les dernières décennies. Les mouvements de nombreuses petites barques permettent donc de ravitailler les nombreux villages de la côte en s'approchant au plus près de la ligne de côte. Et j'ai donc découvert qu'ils permettent aussi le transport discret de simples individus.

À leurs risques et périls, bien sûr: ce n'est en effet pas sans danger, tant ma Méditerranée n'aime pas se laisser dompter...

Moi, franchement, je préfère me déplacer avec mon fidèle cheval!...

Moi, franchement, je préfère me déplacer avec mon fidèle cheval!...

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La contrebande du sel

Publié le par Jaume Ribera

Dans notre région, la contrebande est une activité très répandue depuis des siècles. Que voulez-vous! Les pratiques fiscales ont toujours été très différentes entre les deux royaumes situés de part et d'autre de la montagne pyrénéenne. Alors évidemment, quand on habite dans une région frontalière située aux limites d'un pays qui pratique des taux d'imposition moins lourds que dans les terres voisines, la tentation d'en profiter est grande.
Surtout que la frontière n'était pas très difficile à franchir, à l'époque où elle n'était matérialisée que par les modestes sommets des Corbières.

Franchement, on connaît plus redoutable comme frontière naturelle!

Franchement, on connaît plus redoutable comme frontière naturelle!

Depuis des siècles donc, les biens les plus divers sont transportés à dos d'hommes ou de mules par maints itinéraires plus ou moins secrets. Dont le sel, qui a toujours été un condiment essentiel particulièrement cher chez nos voisins languedociens ou des terres occitanes.

Chez nous le sel n'est pas rare. En effet la proximité de la Méditerranée ou même de vastes étangs en communication avec la mer (Leucate, Canet...) permet d'en récolter assez facilement. Il ne reste plus, ensuite, qu'à lui faire passer la frontière. Ce qui n'est pas l'essentiel du problème!
Un jour où Patrick et moi parlions de tout cela, il m'a fait parvenir cette carte des voies de la contrebande du sel. Je ne sais pas où il l'a trouvée mais elle me semble particulièrement explicite.

De la mer vers l'intérieur des terres: un trafic intense!

De la mer vers l'intérieur des terres: un trafic intense!

Inutile de vous dire que lorsque la nouvelle est arrivée selon laquelle les autorités françaises décidaient de nous soumettre à l'impôt de la gabelle (je vous en ai parlé, même si c'était hélas il y a plus d'un an!...), il n'a pas fallu longtemps pour que l'esprit contrebandier qui sommeille toujours un peu parmi nous s'agite à nouveau.

Et qui dit trafics dit rivalités.
Qui dit rivalités dit règlements de comptes.
Et qui dit règlements de comptes dit souvent, hélas, crimes.

Or dans les environs d'Argelès, désormais, quand un crime se produit (a fortiori plusieurs) vers qui se tourne-t-on? Vers moi!...
Et c'est ainsi qu'à nouveau j'ai dû me mettre en chasse de malfaisants faisant peu de cas de la vie de leurs contemporains. À cause de quelques sacs de sel!...

À moins que!...
Et si c'était pour de tout autres raisons qu'ont eu lieu ces crimes particulièrement violents???

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