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En catalan ou en français?

Publié le par Patrick Dombrowsky

Je voudrais vous dire quelques mots sur un sujet qui agace toujours un peu Jaume, mais qui n'est pas anodin pour l'écriture de mes romans: la place de la langue catalane.

 

 

Le français a mis presque un siècle à s'implanter complètement dans les documents officiels et les usages de la partie de Catalogne annexée par le Traité des Pyrénées. C'est uniquement au cours des années 1740 que les registres paroissiaux devinrent presque exclusivement en français. Un peu plus tôt, mais pas beaucoup plus, pour les actes notariés...

Donc, la conformité linguistique voudrait que le catalan soit la langue usuelle dans les enquêtes de Jaume Ribera. On comprend aisément qu'il m'était impossible de rédiger ces romans en usant du français pour le texte narratif, et du catalan pour les dialogues. Sans compter qu'un problème de compréhension mutuelle aurait surgi pour les conversations entre personnages catalans et français...
Alors bien sûr, on pourra rétorquer que c'est un faux problème, puisque n'importe quel auteur de romans les écrit dans sa langue maternelle. Que Marc Paillet n'a pas écrit les aventures d'Erwin le Saxon et de son ami Childebrand (missi dominici de Charlemagne) en francique. Et que frère Cadfael, le remarquable personnage inventé par Ellis Peters, ne s'exprime pas en gallois ancien, mais bien en anglais contemporain.
On rétorquera aussi que la région annexée en 1659 était occupée de facto par les troupes françaises depuis 1643, et qu'il n'est pas illégitime de penser que le français y était quand même compris. En tous cas par ceux qui occupaient des fonctions les mettant en contact avec les nouveaux maîtres...

Mais si la langue de mon écriture ne pouvait être que le français, il y a deux sujets qu'il m'a fallu trancher: les noms et les lieux.

C'est sans souci, et pour ainsi dire naturellement, que les noms des personnages catalans sont tous en catalan, dans les romans, et ceci dès le premier d'entre eux. Il m'aurait paru totalement incongru d'écrire les aventures, en 1659, de Jacques Ribère...

En revanche, j'ai mis du temps à me fixer une ligne de conduite pour les noms de lieux. Le risque était réel de dérouter (agacer?) certains lecteurs en parlant d'Argelers, de Perpinyá, de Cotlliure... Mais il était tout aussi absurde de parler du dolmen de la cache de l'Arabe (Cova de l'Alarb, dans Le fanal de Madeloc), du hameau de Ville claire (Vilaclara, dans Les anges de Saint Genis), ou de la gorge de Labau (Gorg de Labau, dans Le novice de Serrabona).
J'ai donc décidé d'écrire en français tous les noms des lieux qui sont devenus des communes existant encore aujourd'hui. Ainsi que les endroits les plus connus de la région (le Canigou, la Méditerranée...)
En revanche, je laisse en catalan les hameaux, les lieux-dits, les abbayes, les noms des rues de l'époque, les rivières, les mas... Ainsi que certaines expressions typiques de la région, que j'explicite dans un court lexique à la fin de l'ouvrage.

Après tout, ces romans visent aussi à faire revivre une région dans son époque de la deuxième moitié du XVII° siècle. Et cette période est indissociable de la langue catalane.

Publié dans De la part de Patrick

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Les portes d'Argelès

Publié le par Jaume Ribera

Comme toute cité fortifiée, Argelès est dotée de portes pour y entrer et en sortir. Je ne parle bien sûr pas de petits accès, impossibles à aménager à travers les épais murs de pierre. Non. Je parle de vraies, grandes et hautes portes, dotées d'un pont-levis permettant le franchissement des fossés entourant l'enceinte.

Il y a trois portes, à Argelès, ouvrant vers les trois voies d'accès principales permettant de se rendre à la cité.

Au Nord, se trouve le Portal d'Elna. Elle est la plus imposante. Pas uniquement parce qu'elle ouvre vers la longue route menant vers Elne, Perpignan, et toute la plaine du Roussillon; donc la voie la plus fréquentée. Mais aussi parce que le massif Castell d'Amoros, dont je vous reparlerai bientôt, lui est adossé. C'est là, et dans la tour d'angle qui la jouxte, que se situe le lieu de repos des gardes de la cité; là aussi qu'ils entreposent leurs armements et leur matériel.

Au Sud, diamétralement opposé à l'autre bout de la rue principale d'Argelès, le Carrer Llarg, c'est le Portal de Cotlliure, commandant l'accès en provenance de la côte rocheuse. C'est au-delà de cette porte que commencent à s'installer quelques maigres maisonnettes ne constituant pas encore un faubourg, mais dont les misérables propriétaires n'ont pas assez d'argent pour trouver à se loger à l'intérieur des murs.

Enfin, celle que je préfère parce que j'habite tout près d'elle, la dernière porte est la moins fréquentée. Le Portal de Mart est tourné vers la mer, et ne dessert finalement que les quelques jardinets se situant entre la cité et les marécages qui s'étendent plus à l'Est. C'est aussi par là qu'on peut aller vers l'ancien château de Pujol.

 

 

 

Patrick a trouvé les trois simulations numériques ci-dessus, censées représenter ces trois portes (https://www.youtube.com/watch?v=Bewwv0rin7Q). Il faudra s'en contenter, puisque aucune image ne subsiste à votre époque de ces voies de passage détruites, me dit-il, vers la fin du dix-neuvième siècle.

Et comme moi je ne peux pas vous transmettre la vision, réelle, que j'ai d'elles tous les jours...

Publié dans Ma région

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Le chemin de Charlemagne

Publié le par Jaume Ribera

Parmi les multiples sentiers et chemins plus ou moins fréquentés qui traversent la plaine du Roussillon, il en est un qui passe près d'Argelès, entre la cité et la mer, et qui y est connu sous un nom qui intrigue: le chemin de Charlemagne.

Dans l'imagerie populaire, la raison est simple: c'est par ici que serait passé l'empereur carolingien, lorsqu'il est parti de l'autre côté des Pyrénées combattre l'Émirat de Cordoue, en 778. Et c'est vrai que lorsque j'étais gamin, et qu'il m'arrivait d'échapper à la surveillance maternelle et de sortir de la cité, je ressentais une certaine griserie à me promener sur ce chemin, tout en imaginant autour de moi les centaines de soldats francs accompagnant l'Empereur lui-même.

Charlemagne est-il réellement passé par ici? Nul ne le sait, en réalité. Si on considère que les espaces proches de la mer étaient noyés de marécages, et qu'il a franchi la montagne plus à l'Ouest, du côté du Boulou et de la passe de Bellegarde, au dessus d'El Pertús, on voit mal pourquoi il serait passé à Argelès, et encore moins entre la cité et le rivage? Il aurait perdu trop de temps, et sans doute trop d'hommes, dans cet environnement hostile...

Voici à quoi ressemble (à mon époque!) l'espace situé entre la mer et Argelès. Vous imaginez sérieusement Charlemagne barbotant là-dedans?

Quoi qu'il en soit, la légende s'appuie sans doute sur des réalités plus anciennes, liées aux vieilles voies romaines qui, elles, avaient des ramifications longeant la côte rocheuse. Il fallait bien, pour relier les anciennes Illiberis (Elne) à Caucoliberis (Collioure) et Portus Veneris (Port Vendres) passer aux alentours d'Argelès. Il y a donc bien eu là des voies importantes dans le passé, dont témoignent quelques chapelles disséminées le long du chemin pour attirer sur eux et sur les voyageurs la protection divine. Voyez par exemple Santa Eugènia de Tresmals, entre Elne et le Tech.

Le chemin de Charlemagne n'est sans doute rien de plus qu'un mélange de tous ces souvenirs, enfouis dans la mémoire des populations. Les siècles, les frontières, les guerres, ont eu raison de toutes ces voies. Mais le nom est resté, et contribue à forger notre histoire commune.

Publié dans Ma région

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L'Église d'Argelès

Publié le par Jaume Ribera

Même si je vous ai parlé d'une paroisse aujourd'hui disparue regroupant tous les hameaux et les mas extérieurs aux murailles de la cité, celle-ci possède sa propre paroisse, intérieure: Nostra Senyora dels Prats (Notre Dame des Prés, pour vous...). Et il faut reconnaître que l'église de ce nom ne laisse pas indifférent.

Sa situation, déjà, est originale. En Roussillon et dans les régions voisines, l'église est souvent à peu près au centre du village, les habitations s'étant regroupées autour d'elle (au début du millénaire, lorsque se sont constitués les celleres sur la base desquels sont nés les villages). À Argelès, elle est tout à fait à l'extrémité de la cité, juste à côté du Portal de Cotlliure, qui commande l'entrée méridionale (la seule porte de la cité au-delà de laquelle se situe un petit faubourg hors les murs). Coincé entre l'église et les murailles, se trouve seulement le vieux cimetière (Patrick me dit qu'il n'en reste rien, désormais).

L'ensemble est massif. Construite lors de sa création (aux alentours de l'An Mil) sur le pré communal bordant les habitations, d'où sa situation excentrée, l'église somme toute assez modeste a été entièrement reconstruite au XIV° siècle: la cité avait beaucoup souffert de la lutte entre Jaume IV de Majorque et Pere II d'Aragon, en 1344. Mais sa reconstruction a vu grand. Un clocher-tour impressionnant domine tout l'édifice constitué d'une large nef centrale flanquée de plusieurs chapelles. L'architecture générale est sobre, mais l'intérieur explose de dorures, de statues et de reliquaires. Pourtant, l'ensemble est assez sombre, aux murailles très épaisses et fortifiées en plusieurs endroits. Un joyau qui veut rester discret.

 

 

Située en surplomb du Carrer Llarg (la rue principale, qu'elle domine de plusieurs marches d'un large escalier), dominée par son vertigineux clocher, cette église qui peut paraître sommaire dégage néanmoins un sentiment de majesté et de solennité qui ne peuvent pas laisser indifférents.

Publié dans Ma région

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Le batlle

Publié le par Jaume Ribera

Je vous ai parlé l'autre jour du rôle des consuls dans la cité. Il y a un autre personnage important: le batlle (pour ceux qui ne parlent pas le catalan: prononcer "batïeu"). Nous n'en avons pas, à Argelès. En effet, le batlle est le représentant du seigneur au sein de la communauté. Or, Argelès est une cité-libre (c'est un statut, reconnu depuis des siècles), et ne dépend donc d'aucun seigneur. Mais dans la plupart des paroisses alentours, il y a un batlle, au côté de l'administration consulaire.

Vous connaissez cette fonction, en France. Chez vous, dès la féodalité, le représentant du seigneur était le bailli. En tous cas dans le sud du pays, région influencée par le droit romain. Dans le nord, on l'appelait (et on l'appelle toujours, à mon époque) le sénéchal. Leur rôle est le même: représenter le pouvoir du seigneur au sein de la communauté, avec le droit d'exercer en son nom les pouvoirs administratifs (en ce qui concerne l'impôt, surtout) et judiciaires (sauf pour les plus gros crimes). Le batlle, c'est finalement le véritable chef de la communauté, au quotidien. Ce n'est pas un hasard si, dans certains de vos livres d'histoire, Patrick me dit qu'on l'appelle le maire du nom, parfaitement incongru à mon époque, porté par la plus haute autorité de vos villages et villes dans votre temps.

Reste à savoir qui est choisi. Beaucoup de seigneurs sont dans la réalité éloignés (physiquement et politiquement) des villages existant sur leurs terres. Il est donc fréquent que le batlle soit choisi au sein d'une des familles les plus en vue. Par la richesse, par l'étendue de ses terres, par la sagesse de ses membres, par son rôle central dans les réseaux d'alliances matrimoniales...
Ce n'est pas forcément le chef de famille qui est désigné. Ce dernier, en effet, a assez à faire avec la gestion de ses propriétés pour ne pas y ajouter la prise en charge de tous les soucis de la communauté. Mais c'est souvent le cas. La fonction est donc fréquemment héréditaire, et dans les plus petits villages, les batlles de père en fils sont assez fréquents.

 

Bernat Rocha, dont la fonction de batlle (de Montferrer) est la seule indication qui soit rappelée dans son acte de décès, était fils et père de batlles

Cela dit, il peut arriver aussi que le seigneur instaure une sorte d'alternance dans la fonction entre deux, voire trois, familles majeures. Aucune d'entre elles, dès lors, n'est durablement placée sous le contrôle des autres.
D'autant plus que si le seigneur désigne librement qui sera son batlle, il peut en changer tout aussi librement. Et quand il le veut. Certaines communautés ont ainsi connu des périodes durant lesquelles les changements de batlles ont été fréquents.

C'est donc une fonction essentielle, dans les communautés qui dépendent d'un pouvoir seigneurial. Une façon de rapprocher celui-ci des habitants. Car le batlle, appartenant à la population du village et partageant son quotidien, est un remarquable régulateur des tensions ou des litiges.

Bien meilleur qu'un seigneur lointain.

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Les moines bénédictins

Publié le par Jaume Ribera

L'ordre de Saint Benoît est très présent dans notre région. Il n'est pas le seul: il y a des augustiniens au Monestir del Camp, des frères Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem dans plusieurs de leurs maisons-temples (dont Bajoles à Perpignan, ou le mas Deu qui a des possessions à Argelès notamment), et quelques autres groupes moins nombreux...

Néanmoins, les trois principales abbayes que j'ai été amené à fréquenter durant mes récentes enquêtes sont toutes les trois bénédictines: Sant Genis de Fontanes, près d'Argelès, Sant Marti del Canigó, et Sant Miquel de Cuixa, toutes deux dans le bas Conflent.

 

 

 

Sant Genís de FontanesSant Marti del CanigóSant Miquel de Cuixa

Et il faudrait ajouter notamment l'abbatiale Santa Maria d'Arles, les prieurés de Serrabona et de Corneilla...

Pourquoi les bénédictins sont-ils aussi présents dans notre région? C'est une histoire très ancienne. Toutes les implantations de notre versant des Pyrénées (la Catalogne désormais française) dépendent à l'origine de la riche et puissante abbaye de Montserrat, au Nord-Ouest de Barcelone. Celle-ci a été créée en 1025 par l'abbé Oliba, dont le père avait abandonné tous ses titres de comte de Cerdagne et d'autres régions pour se retirer au monastère de Monte Cassino, en Italie. Lequel monastère avait été fondé cinq cents plus tôt par Benoît de Nurcie, créateur de l'ordre des bénédictins...
Et voici pourquoi nos abbayes sont surtout bénédictines!

 

Santa Maria de Montserrat

 

Alors: sont-ils mes amis ou mes ennemis, tous ces bénédictins? Il faut reconnaître que ceux que j'ai rencontrés à la tête des abbayes (Maur de La Rea à Sant Genis, Francesc de Montpalau à Sant Martí et Sant Miquel) m'ont plutôt causé des ennuis qu'apporté de l'aide. Mais c'est parce qu'ils sont pris dans les jeux et rivalités de leurs implantations religieuses, et particulièrement mal à l'aise depuis que nous sommes rattachés au Royaume de France. Parce que Montserrat, elle, est restée en Espagne; et parce que le nouveau pouvoir se méfie d'eux comme de la peste. Quand il est venu à Perpignan, en avril 1660, Louis XIV l'a bien recommandé: ne pas brusquer les religieux, mais ne pas tolérer la moindre équivoque quant à leur soutien à la couronne de France. Or ce soutien est très fragile, c'est le moins que l'on puisse dire!...

Une dernière chose, que Patrick insiste pour que je vous la dise: les abbés (La Rea, Montpalau...) qu'on rencontre durant mes enquêtes ne sont pas fictifs et issus de son imagination: ils ont vraiment existé dans ces fonctions.


Mais pourquoi veut-il que je dise cela? Je le sais bien, moi, qu'ils ont existé; puisque je les ai rencontrés, et parfois affrontés!.

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Cotlliure

Publié le par Jaume Ribera

Il faut que je vous parle de Collioure (je vous épargne l'emploi du nom catalan, que j'ai réservé au titre...). Parce que si les rumeurs de la région se confirment, et même si cela doit prendre du temps, le bourg est appelé à disparaître.
D'ailleurs, Patrick me dit que le Collioure que vous connaissez n'a pratiquement rien à voir avec celui que je lui décris (et pas seulement à cause de l'agrandissement de la cité). Cet article, je vais donc l'écrire sous son contrôle, pour pouvoir y introduire des lieux qui, à votre époque, n'existent plus ou des événements qui, à la mienne, n'ont pas encore eu lieu.

Le Collioure de mon temps n'est pas ouvert sur la mer, comme le vôtre. La cité est située à l'ouest de la citadelle royale, et pas au nord comme pour vous. Le château est cité dès le septième siècle, mais ce qui en subsiste date du treizième pour les parties les plus anciennes. Il n'était alors qu'un simple donjon, entouré d'une cour carrée, où quelques maisons paysannes étaient à l'abri d'une muraille assez sommaire.
C'est à l'époque de Charles Quint, le grand Empereur, que ce château a été sérieusement fortifié. On commençait à découvrir l'importance de la mer, et la place de Collioure devint un point d'appui essentiel à la puissance espagnole en Méditerranée, alors que Port-Vendres la voisine était réservée au commerce maritime.

Après ces aménagements du seizième siècle, le château était désormais seulement militaire, et non plus féodal. Les petites maisons paysannes qui s'étaient agglutinées autour du donjon avaient été repoussées à l'ouest de la citadelle qui les séparait de la mer. La cité de Collioure, celle que je connais avec ses 500 habitants environ (nettement plus qu'Argelès!) se situe sur les collines qui dominent la citadelle. Des ruelles pauvres et enchevêtrées, avec une population extrêmement mêlée, où cohabitent de vieilles familles d'artisans et de pêcheurs, et de nombreux ouvriers arrivés de l'arrière pays, et parfois de bien plus loin (Couserans, Comminges, Béarn, Limousin...).

Patrick me dit que dans une dizaine d'années, je verrai la destruction complète de cette vieille ville. Tout va être détruit, pour agrandir les fortifications du château, par la création d'un glacis de protection et de remparts considérables. C'est quelque chose que j'ai du mal à imaginer: on va raser les maisons, l'église, le cimetière... Des siècles et des siècles de présence humaine...
Et Patrick me raconte qu'il s'en est fallu de peu que les populations fussent forcées de quitter le lieu pour aller s'installer à Port-Vendres. Finalement, la cité de Collioure sera reconstruite là où vous la connaissez, plus près de la mer.

 

En rouge, les limites approximatives de la vieille ville.
En bleu, Collioure reconstruite

 

Peut-être vivrai-je assez vieux pour assister à l'émergence de cette nouvelle cité... Qui sait?

 

Publié dans Ma région

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La chapelle Saint Laurent

Publié le par Jaume Ribera

Ce fut une église. Une vraie église paroissiale, desservant une communauté constituée par tous les mas disséminés sur le versant des Albères, dominant Argelès. Et puis, petit à petit, elle a perdu de son importance. Des mas ont disparu; d'autres se sont tournés vers Sorède; la paroisse principale d'Argelès a étendu son aire d'influence... Et finalement, la paroisse vouée à Saint Pierre (Sant Pere dels Forquets) a disparu, au début de mon siècle.

Mais l'église reste. Une toute petite église, qui date du douzième siècle, désormais isolée au sommet d'un éperon rocheux. Je ne suis pas spécialiste en architecture religieuse, mais il paraît que cette église est une rareté: la seule église romane qu'on connaisse, qui soit bâtie d'un seul tenant, sans modifications ni ajouts ultérieurs. Il n'y a plus d'activité religieuse régulière, mais cette chapelle accueille parfois des ermites.

Ne vous y trompez pas! Quand on parle d'ermites, souvent on pense à des ascètes vivant de maigres aumônes à l'écart de tout. Ceux dont je vous parle, pour la chapelle Saint Laurent, comme dans beaucoup d'autres endroits de la région, sont un véritable courant religieux et (presque) mystique qui est très répandu parmi les religieux de mon temps en terre catalane. L'ermite vit certes dans son petit ermitage, mais il participe pleinement à la vie de la communauté: ils accueillent les pèlerins, ils quêtent dans les environs (pas n'importe où: chaque ermitage a son territoire de quête, qui ne peut pas être dépassé), ils servent de médiateurs dans les litiges mineurs au sein de la population...

Et surtout, l'ermite est reconnu comme tel par la communauté villageoise. Tous les ans, a lieu ce que nous appelons l'aplec. Je me souviens avoir participé à certains d'entre eux, étant enfant. C'était un moment de joie, de repos, de fête, autour de l'ermite et de son ermitage, en présence de tous les notables et même du curé d'Argelès, qui venait y dire la messe.

La petite chapelle isolée redevenait alors, l'espace d'une journée, le centre de la toute la communauté.
Avant de retourner au silence...

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Les consuls de la cité

Publié le par Jaume Ribera

Dans la cité d'Argelès, je fais partie de ceux qui ont été élus à un poste de consul. Dit comme ça, bien sûr, ça impressionne... Souvenirs de l'Antiquité romaine obligent!... Le titre est ronflant. Mais qu'en est-il exactement?

Les pays méditerranéens sont fortement influencés par le droit romain. Celui-ci laissait une très grande place, pour la gestion des territoires et des communautés humaines, aux habitants eux-mêmes. Les seigneurs, que les temps féodaux ont multipliés, ont une autorité surtout militaire: pour assurer la sécurité du groupe, notamment à l'intérieur des châteaux. En contrepartie de cette sécurité, ils reçoivent une forte part des revenus des terres de leur fief. Soit parce qu'ils en sont les propriétaires, soit parce qu'ils y ont des droits (souvent extrêmement anciens, et très complexes à démêler) reconnus par les vrais propriétaires.

Mais la gestion au quotidien, les seigneurs ne s'en occupent pas. Les querelles de voisinage, les décisions sur la construction d'un puits, l'entretien d'un canal ou d'un chemin, le défrichement de nouvelles parcelles, la réfection du mur ou du toit de l'église, ..., tout cela n'est pas géré par le seigneur, mais directement par la communauté des habitants.

La réunion de ces derniers, chez nous, s'appelle le Conseil général. Tous les chefs de famille, les caps de casa, y participent. Surtout des hommes, mais des femmes peuvent faire partie du Conseil, dès lors qu'elles sont veuves ou héritières encore donzellas (célibataires). Au sein du Conseil, tous ont les mêmes droits et les mêmes pouvoirs. Les décisions se prennent par le vote (en général à main levée, puisque rares sont ceux qui savent écrire), et chacun n'a qu'une voix, quelle que soit l'importance de ses terres ou sa richesse.

Cela dit, des réunions du Conseil, il n'y en a qu'une ou deux par an. On ne passe pas son temps en réunions, non plus... Entretemps, ce sont les consuls qui gèrent la cité. Ils sont élus dans ce but, pour un an, par le Conseil. À Argelès, nous avons trois consuls; ils sont cinq à Perpignan, mais souvent deux et parfois un (c'est rare) dans les plus petits villages. Chacun représente une catégorie d'habitants.
Le premier consul est élu par les riches commerçants, les docteurs de l'Université, les religieux de rang élevé... À Argelès, seuls quelques commerçants correspondent à ce niveau social.
Le troisième consul est celui qui est élu par les ouvriers agricoles, les journaliers, les domestiques... Les plus pauvres de tous les habitants de la cité.
Et tous les autres caps de casa (artisans, commerçants moins riches, médecins...) élisent le deuxième consul. C'est le poste que j'ai occupé pendant un an.

L'élection est préparée par les consuls en fonction, peu avant la fin de leur mandat, aidés par quelques anciens consuls réputés pour leur probité. C'est ce qu'on appelle le conseil d'insaculation. Son travail le plus important est de dresser la liste de ceux qui remplissent les qualités nécessaires pour être élus. Après, c'est le vote de tous qui choisira, au terme d'une procédure qui peut changer selon les coutumes locales, mais qui présente un mélange de tirage au sort, de religiosité et de réelle démocratie locale. Patrick a décrit cette élection à la fin du Fanal de Madeloc.

C'est parce que ces institutions locales étaient équilibrées et ont fonctionné durant des siècles que ça me fait toujours rire, quand Patrick me dit qu'à votre époque, vous considérez que mon temps était marqué par un autoritarisme aveugle, peu soucieux des intérêts des gens...

Balivernes excessives!...

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De la place de l'Histoire

Publié le par Patrick Dombrowsky

On me demande souvent quelle est la part de la vérité historique et celle de mon imagination dans mes romans. Question légitime, mais difficile: demande-t-on ses recettes à un cuisinier?

Le roman historique (qu'il soit policier ou pas) a ceci d'original qu'il se déroule dans un contexte particulier, où des événements historiques qui ont réellement eu lieu jouent un rôle dans l'intrigue. Dans les enquêtes de Jaume Ribera, ce contexte est celui de l'intégration au sein du Royaume de France de la partie de la Catalogne annexée en 1659. On rencontre donc dans les romans qui narrent ces enquêtes, et c'est logique, des personnages, des événements, des faits, qui ont existé. Le tout, bien sûr, se déroulant dans une société et un environnement humain qui, eux aussi, correspondent à la réalité de ce moment des années 1660 en Roussillon, en Vallespir, en Conflent, dans les Aspres ou les Albères.

En tant qu'auteur, je tâche d'être le plus proche possible de ces réalités. Pour autant, leur restitution intégrale est à la fois irréaliste (pas de photos, pas d'enregistrements, peu de documents, encore moins de témoignages d'époque) et hors de propos: je ne prétends pas non plus à la rédaction d'une thèse de doctorat en histoire!

Toute la difficulté pour écrire ce type de romans est donc dans l'équilibre à trouver entre ce qui est vrai, ce qui est plausible, et ce qui est imaginé. Les trois ingrédients doivent être présents, et s'équilibrer mutuellement pour que la recette (encore!) soit réussie.
Ou du moins pas trop ratée, soyons modeste...

Le moment le plus gratifiant reste toutefois celui où l'on découvre, souvent par hasard, que la scène, l'épisode que l'on a imaginés se sont réellement produits "dans la vraie vie" de l'époque. J'ai connu ce moment (non, n'insistez pas: je ne vous dirai pas pour quel passage d'un des romans).


Et c'est là qu'on se rend compte que, finalement, fiction et Histoire ne sont jamais très éloignées. Pour le plus grand bonheur de l'auteur...

Publié dans De la part de Patrick

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