Les Morisques

Publié le par Jaume Ribera

Je l'avoue: c'est une frange de la population de notre province catalane à laquelle je ne m'étais pas vraiment intéressé jusqu'à tout récemment. Au cours d'une nouvelle enquête, j'ai été amené à d'abord en entendre parler, ensuite en fréquenter certains membres. Quelle histoire que celle de cette communauté qui nous vint des terres espagnoles!...

Vous le savez bien sûr, une large partie de ces dernières fut durant plusieurs siècles la possession de diverses entités politiques non chrétiennes, appelées selon les lieux et les périodes émirats, califats, taïfas, Al-Andalus... Ma fierté catalane tient toutefois à préciser que les terres situées des Pyrénées à Barcelone et d'Urgell à la mer ont constamment échappé à cette domination depuis au moins 900 ans (pour moi; c'est-à-dire le milieu du VIII° siècle).

De 757 à 1479, une lente reconquêteDe 757 à 1479, une lente reconquêteDe 757 à 1479, une lente reconquête

De 757 à 1479, une lente reconquête

La reconquista, durant laquelle ces sortes d'États furent peu à peu reconquis et soumis par des royaumes chrétiens, fut une longue période d'histoire qu'il n'est pas ici le lieu de raconter. Pour nous Catalans elle fut en tous cas un moment durant lequel les Mahométans (selon le terme encore utilisé à mon époque) n'étaient pas présents sur nos terres.

C'est une décision du pouvoir madrilène de 1609 qui provoqua indirectement l'arrivée de notre côté des Pyrénées de quelques Morisques. Ceux-ci étaient des chrétiens, convertis depuis quelques décennies ou descendants de convertis. Ces conversions n'avaient pas été totalement volontaires. Elles s'étaient produites en raison de la volonté d'élimination complète de l'islam des terres espagnoles. Cette religion, interdite en Castille depuis 1502, subsistait toutefois dans les terres royaume d'Aragon, qui incluaient la Catalogne et surtout le royaume de Valence, où les Mahométans et les Morisques étaient très nombreux (quelques centaines de milliers).

Bien que religieusement chrétiens, ces derniers conservaient des modes de vie et des particularités proches de l'islam: même si l'usage de la langue arabe déclina assez vite, ils furent notamment longtemps soupçonnés de complicité avec les pirates barbaresques. C'était une menace intolérable pour la Couronne espagnole, surtout à partir du règne de Philippe II (1555-1598). L'engrenage somme toute classique dura pendant tout le siècle précédent le mien: interdictions, révoltes, répression... jusqu'à la décision du et toujours inhumaine: les expulsés n'avaient le droit d'emporter avec eux que ce qu'ils pouvaient eux-mêmes transporter et il leur fut interdit sous peine de mort de détruire les biens (maisons, terres...) qu'ils durent abandonner, en général à leurs seigneurs.

Des représentations sans doute bien loin de la réalité de cette violente expulsionDes représentations sans doute bien loin de la réalité de cette violente expulsion

Des représentations sans doute bien loin de la réalité de cette violente expulsion

Tous ne partirent pas toutefois, car dans certaines régions du royaume les habitants eux-mêmes s'opposèrent parfois à leur expulsion, synonyme de perte de bras et de main d'œuvre au détriment de populations pourtant largement intégrées. La grande majorité des Morisques qui quittèrent le sol espagnol le firent à destination du nord de l'Afrique, où ils s'installèrent dans les différentes structures politiques qui les accueillirent (notamment la Régence d'Alger). Certains toutefois choisirent de traverser les Pyrénées et de s'installer en France, essentiellement en Languedoc.

Parmi eux, il y en eut qui restèrent en cours de route... Notamment dans notre partie de la Catalogne où ils eurent parfois de bien étranges destins.

Et c'est là que Patrick me demande de ne pas continuer, puisqu'il envisage de vous en parler dans la prochaine aventure écrite à partir de mes enquêtes.

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