Quand Argelès était un port...
Bon, je reconnais que ce titre est un peu racoleur!...
En effet, aux temps dont je parle, il n'existait probablement rien là où aujourd'hui se dresse ma cité. Rien hormis, peut-être, quelques fragiles cabanes habitées par des familles de pêcheurs. Même pas des maisons comme celle qui ornait l'article sur Ruscino, hier...
Non.
Des branchages et des roseaux entremêlés, des rondins mal dégrossis pour tout plancher... Pas vraiment quelque chose de confortable. Mais c'était le seul habitat possible, dans cette zone extrêmement humide bordant la mer, qui n'était qu'entrelacs de marécages et de portions de terre dite ferme, mais en fait gorgée d'eau.
Pourquoi une telle humidité? Parce que précisément cette mer, notre mer Méditerranée, avançait bien plus profondément à l'intérieur de la plaine roussillonnaise aux temps les plus anciens. Je vous parle là d'un temps qui se situe environ deux millénaires avant notre ère.
Je ne sais tout cela, bien sûr, qu'après de longues conversations avec Francisco, qui lui même l'a su par les multiples échanges de lettres qu'il a eus avec des savants de notre époque, ayant eu accès aux riches textes antiques.
Vous le savez, j'ai la chance d'avoir pour ami cet homme curieux de toutes les sciences, et qui connaît nombre des grands esprits de notre temps... Et comme il me fait souvent partager les résultats de ses échanges avec eux... J'en sais bien plus que ce que devrait connaître un simple médecin roussillonnais...
Donc, la mer jadis ne se contentait pas, comme aujourd'hui, de border un long ruban rectiligne de sable, une fois terminées les aspérités rocheuses des contreforts de la montagne.
Si elles avaient existé, les murailles d'Argelès auraient probablement été directement battues par les flots. Elne n'était même pas à un quart de lieue de ceux-ci, tout comme Castell Rossello dont je vous parlais hier (Patrick me traduit pour vous: entre un et deux kilomètres; vous comprendrez mieux, me dit-il...).
Et surtout, surtout, les vastes étangs longeant la côte, près de Saint Nazaire et Canet, puis dans la Salanque jusqu'à Leucate n'existaient pas: tout cela était recouvert par la mer!
Quant aux trois fleuves qui traversent le Roussillon, ils étaient bel et bien là, mais leurs embouchures rendues plus proches par la diminution de la plaine augmentaient le risque d'inondations.

Étonnez-vous, après cela, que les populations les plus anciennes de notre région, dont les Sardones furent les premiers vraiment structurés, se réfugièrent souvent dans le massif montagneux.
Les Albères, même au plus profond de leurs vallées encaissées, leur procuraient au moins un abri contre les caprices de ce vaste et envahissant espace maritime.
Qui finalement, à mon époque, n'est pas encore réellement apprivoisé...