1637

Publié le par Jaume Ribera

Patrick me réclame un petit cours d'histoire locale car, me dit-il, il répugne à trop surcharger le récit de ma dernière enquête avec des digressions explicatives... Or, prétend-il, à votre époque tout le monde n'a pas forcément en tête une vision précise de ce qui s'est passé cette année-là (je suis sûr qu'il vous sous-estime, là...😇).
Mon cher co-auteur de ce blog est bien gentil mais il oublie que moi, en 1637, je n'avais que ... sept ans! Autant vous le dire: les aléas des affrontements entre les troupes françaises et leurs homologues espagnoles n'étaient pas le principal de mes soucis... Je vais tout de même essayer de vous présenter succinctement le tableau de la situation, grâce notamment à ce que m'en a dit Francisco.

Bien sûr nous appartenions à la couronne d'Espagne. En principe en tous cas, car la Catalogne était entrée depuis une grosse dizaine d'années en quasi-rébellion contre le pouvoir de Madrid. Celui-ci essayait par tous les moyens d'assujettir l'ensemble de la péninsule (Catalogne comprise) à une politique fiscale renforcée: il fallait faire rentrer le maximum d'impôts dans les caisses de l'État car les temps économiques étaient difficiles.

Le roi Philippe IV et son principal ministre Guzman, comte-duc d'OlivaresLe roi Philippe IV et son principal ministre Guzman, comte-duc d'Olivares

Le roi Philippe IV et son principal ministre Guzman, comte-duc d'Olivares

Le souci, pour faire court, était que certaines provinces (dont la nôtre) étaient exemptées d'impôts vis-à-vis de Madrid. L'instauration de ceux-ci ne pouvait être acceptée que par les parlements locaux (les Corts catalanes datent de la fin du XIII° siècle!). Bien évidemment ceux-ci refusèrent fermement d'y être soumis. Tout aussi évidemment le pouvoir royal se fâcha et le comte-duc d'Olivares envoya des milliers de soldats dans toute la province, où le moins que l'on puisse dire est qu'ils n'étaient même pas tolérés par la population.

Constatant cela le royaume de France voisin se dit qu'il pourrait profiter de l'affaiblissement du pouvoir espagnol. Jusqu'alors les Français s'étaient tenus à l'écart de la guerre qui depuis presque vingt ans opposait de nombreux États européens (à votre époque elle est connue sous le nom de Guerre de Trente ans). En 1635 le roi Louis XIII et son ministre Richelieu finirent par déclarer formellement la guerre à leur voisin espagnol.
Ce n'est pas pour cela que les combats commencèrent. En tous cas pas chez nous (ils se concentrèrent d'abord dans le Nord, en Artois, en Flandre...). Chez nous les Espagnols commencèrent à rassembler des troupes, au cas où... Et les Français firent de même de l'autre côté des Corbières, même s'ils avaient plus que des difficultés à faire s'entendre entre eux leurs chefs de régiments.

Alors me direz-vous: que se passa-t-il en 1637? Eh bien... Pas grand chose justement. Les troupes se faisaient face de part et d'autre des Corbières. Des espions s'infiltraient des deux côtés pour renseigner sur les positions, les stocks d'armes, l'état du moral et ainsi de suite... Et chacun des deux belligérants lorgnait sur les possessions de l'autre en veillant à ne pas trop s'exposer.
Côté espagnol on rêvait de prendre d'assaut le château de Leucate. Le contrôler, c'était s'ouvrir en grand la porte du Languedoc. Son gouverneur était un vieillard dont ils espéraient ne faire qu'une bouchée, bien qu'il fût le fils d'un héros. Ils l'ont manifestement sous-estimé car malgré un siège d'un mois (du 27 août au 29 septembre), la destruction de tout le village de Leucate, incendié, et l'affrontement meurtrier d'environ 16 000 Espagnols et 25 000 Français, le château resta aux mains du royaume de France. Pour le plus grand bonheur du fils du gouverneur qui le remplaça un peu plus tard bien qu'il fût un débauché et un voleur notoire.

Une estampe allemande de l'époque représentant la bataille de Leucate

Une estampe allemande de l'époque représentant la bataille de Leucate

Côté français, c'est le château de Salses qui attisait les convoitises. Une forteresse bien plus impressionnante, qui pouvait abriter plusieurs milliers d'hommes et qui commandait l'entrée dans la plaine du Roussillon. Pourtant malgré son intérêt évident envers la conquête de ladite plaine, le cardinal de Richelieu avait trop à faire pour mettre d'accord les uns et les autres de ses chefs de régiment (et il avait trop besoin d'argent, lui aussi) pour déclencher l'offensive. Celle-ci n'est intervenue que deux ans plus tard, ouvrant une période durant laquelle sièges et contre-sièges se succédèrent autour de la forteresse jusqu'à la victoire finale des Français.

Il paraît qu'à votre époque la forteresse ne lui ressemble plus du tout... Dommage?

Il paraît qu'à votre époque la forteresse ne lui ressemble plus du tout... Dommage?

Beaucoup de ce que j'ai vécu durant l'enquête que vous pourrez lire bientôt prend ses racines durant cette période. C'est pour cela que Patrick tenait à ce que je vous en dresse le tableau, forcément trop bref.

C'est fait!

Ah si! J'oubliais le plus important pour moi et ma vie!... 1637... C'est aussi (surtout?) l'année de naissance de Sylvia. Même si bien sûr à l'époque je n'en ai rien su (je le redis: je n'avais que 7 ans).

Publié dans Ma région

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