Salses, une forteresse très convoitée

Publié le par Jaume Ribera

Je vous ai raconté dans mon dernier message comment les troupes françaises et espagnoles s'étaient disputé la possession du modeste château de Leucate. Il était contrôlé par le royaume français, même si tout le monde ne fut pas forcément très loyal au sein de la famille des gouverneurs héréditaires.
Toutefois la vraie rivalité concernait une forteresse bien plus importante située 2 lieues plus au sud (comme toujours, Patrick me demande de préciser que pour vous cela veut dire environ 15 km...) à Salses.

Cette forteresse se situe au débouché d'un goulet géographique constitué par les premiers contreforts des Corbières et l'étang de Leucate. Même si elle est de basse altitude la zone montagneuse, certes franchissable par les troupes à pied, est inaccessible aux pièces d'artillerie et aux charriots du train et de l'approvisionnement.

Une étroite bande de terre longeant l'étang, passage ogligé des envahisseurs éventuels

Une étroite bande de terre longeant l'étang, passage ogligé des envahisseurs éventuels

À cet endroit-là existait depuis le Moyen-Âge un vieux château médiéval. Un carré de taille modeste, construit sur un éperon rocheux, avec une vaste cour intérieure. Et le village de Salses non loin. Rien que de très classique. Suffisamment peu impressionnant toutefois pour l'empêcher d'être pris et détruit (ainsi que tout le village) par les troupes françaises de Charles VIII en 1496. Les Rois Catholiques Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille récupérèrent l'endroit par traité et décidèrent alors la construction d'une nouvelle place forte. Non pas sur le monticule rocheux mais dans la plaine, au débouché de l'axe traversant les Corbières et ouvrant la voie vers le Roussillon.

Là ils firent construire une forteresse à l'emplacement exact du village détruit (j'imagine le désarroi de la population). Elle fut terminée en seulement six ans et est connue pour avoir été réellement novatrice en architecture militaire, particulièrement adaptée aux innovations de l'époque (notamment l'apparition du boulet métallique).

Une des rares représentations de la première forteresse de Salses

Une des rares représentations de la première forteresse de Salses

Patrick vous racontera (en principe...) dans le récit de ma septième enquête comment j'ai eu connaissance de documents décrivant les installations militaires espagnoles des années 1630. Plusieurs d'entre eux se rapportaient à cette forteresse. Vaste (65 toises de long pour 50 de large, ce qui pour vous correspond paraît-il à 110 mètres sur 84), assez enfoncée dans le sol et donc peu vulnérable à l'artillerie, dotée de plusieurs ouvrages de défense avancée, de multiples coursives et galeries souterraines, d'un donjon entièrement fortifié... Elle avait vraiment belle allure.

Vous êtes peut-être surpris que j'en parle au passé alors qu'elle m'est contemporaine. Conscients de sa valeur militaire les Français la redoutaient. Ils l'assiégèrent une première fois, sans succès, avant même qu'elle fût achevée. Puis entre 1639 et 1642 elle a subi trois nouveaux sièges, changeant trois fois de maîtres avant de rester définitivement française en 1642, quelques jours après la fin du siège de Perpignan. Elle perdit alors peu à peu son intérêt militaire avant d'être totalement inutile après l'annexion de toute la région par la France avec le Traité de 1659 qui déplaça la frontière nettement plus au Sud. Très abîmée durant les sièges successifs et abandonnée par les garnisons qui y logeaient elle se dégrade désormais de plus en plus.

À Paris le gouvernement hésite entre la reconstruire avec les nouvelles techniques architecturales (le fort bastionné est très en vogue de mon temps) ou simplement la raser mais cela coûterait très cher et le Trésor royal n'est pas très rempli... Alors on verra ce qu'elle deviendra...

Publié dans Ma région

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article