Monastir de Sant Genis de Fontanes
Vous la connaissez bien, cette abbaye!...
Elle tient une place importante dans les romans que Patrick écrit à partir de mes enquêtes. D'une certaine manière, elle est même un acteur central dans Les anges de Saint Genis.
Cela s'explique aisément. D'une part en effet, elle est parmi toutes les abbayes du Roussillon la plus proche d'Argelès: il y a moins de deux lieues entre les deux paroisses. La proximité explique que rien de ce qui se passe à Argelès ne laisse indifférent dans les murs de l'abbaye; et que beaucoup de ce qui se trame dans celle-ci a des conséquences que nous ressentons à Argelès.
D'autre part, j'ai été plusieurs fois amené à côtoyer Maur de La Rea, qui est depuis quelques années l'abbé de cette implantation bénédictine. Et le moins que l'on puisse dire est que nos relations ne sont pas simples. J'avoue ne pas perdre une occasion, lorsque je le peux, de le contrarier (c'est un euphémisme!...). Alors évidemment...
Il faut dire que ce bon abbé Maur est une cible facile. Il se rêvait une carrière éclatante au sein des bénédictins de Montserrat, quand le traité de l'année dernière l'a isolé dans un royaume ennemi, à la tête d'une abbaye dont le nombre de moines n'a cessé de décroître depuis plusieurs décennies. De plus, son ordre religieux a longtemps combattu le Royaume de France, et complote encore contre lui. Or, Maur de La Rea se sait surveillé par les nouvelles autorités de la province. Il lui faut donc louvoyer, ruser, jouer des uns contre les autres... Ce qui, bien sûr, le met souvent en porte-à-faux.
Elle mériterait pourtant mieux, cette abbaye, que ce lent dépérissement qui l'atteint. Située aux abords du village de Saint Genis, elle est une des plus anciennes de la région: on trouve des mentions d'elle dès le début du IX° siècle. Plusieurs fois détruite et même saccagée, autant de fois reconstruite, elle s'est à chaque fois étoffée et même embellie. L'église elle-même n'a pas un charme considérable. Sa construction classique souffre de n'être pas assez dégagée des bâtisses environnantes, qui lui donnent un aspect un peu massif.
En revanche, le cloître est un petit joyau de charme et de repos pour l'esprit de ceux qui le visitent. À lui seul, il mérite qu'on vienne le visiter. Depuis, j'ai revu à Serrabona, en encore plus impressionnantes, ces successions de chapiteaux sculptés tous de façon différente pour chaque pilier de marbre. Mais le fait que les sculptures de Serrabona soient encore plus marquantes pour l'esprit n'enlève rien à la beauté de celles de Sant Genis. Que l'on peut deviner dès l'entrée, avec le linteau magnifique surplombant le portail. On le dit sculpté par un maître anonyme du XII° siècle, qui était à l'époque célèbre dans toute l'Europe.
Je vous y encourage, puisque tout cela existe encore à votre époque: allez visiter cette abbaye méconnue!...
En ce qui me concerne, encore faut-il que j'y sois toléré par ce bon abbé Maur!...