Vous avez dit "anachronisme"?...

Publié le par Patrick Dombrowsky

Quand est née l'idée de cet improbable blog à quatre mains par dessus les siècles, le travail entre Jaume et moi a été clairement réparti: à lui la rédaction des posts, à moi la partie technique de la mise en forme. Ce n'est que très rarement que j'interviens directement. Merci donc à Jaume de me laisser le faire aujourd'hui. Pour aborder l'un des pièges majeurs qui guette l'auteur de romans se déroulant dans le passé: les anachronismes.

Bien sûr, ceux qui sont ici représentés sont faciles à éviter et vous ne risquez pas de les trouver un jour au détour d'une enquête de notre héros.

Au XVII° siècle, évidemment...Au XVII° siècle, évidemment...
Au XVII° siècle, évidemment...Au XVII° siècle, évidemment...

Au XVII° siècle, évidemment...

Plus pernicieux sont trois risques majeurs auxquels il convient de veiller durant la rédaction des livres.

1- Utiliser des objets qui n'existaient pas à l'époque. Ceux que j'ai affichés ci-dessus sont des exemples certes caricaturaux. Mais dans d'autres cas, c'est moins évident. La récente mise en version e-book du Capucin de Céret a fait réagir plusieurs lecteurs sur le passage anodin où le notaire Companyo se prépare à plonger dans ses dossiers, après s'être servi un verre de vieux muscat et s'être choisi un cigare. Un cigare! À cette époque! Que n'avais-je pas écrit là! Vade retro, Satanas!...
Et pourtant si! Importé en Europe environ 150 ans avant les aventures de Jaume, le tabac se fumait chez les Mayas enroulé dans des feuilles, souvent de plantes médicinales. Cet usage, ancêtre des actuels havanes ou autres Davidoff, a été importé avec la matière première par les explorateurs et existait donc bel et bien dans nos contrées aux temps de mes livres. Je vous accorde volontiers qu'il n'était sûrement pas très fréquent dans les cités du Vallespir comme Céret. Mais en faire fumer par ce bon Maître Companyo n'était aucunement anachronique de ma part.

2- Employer des connaissances qui n'étaient pas maîtrisées au XVII° siècle. Dans le Fanal de Madeloc, au détour d'une phrase, j'évoque les "temps préhistoriques". Une amie m'a à l'époque objecté que la notion de préhistoire n'était pas vraiment conceptualisée en ce temps-là. Elle avait probablement raison.
En revanche, quand un commentaire sur Amazon me reproche sèchement d'avoir cité de façon anachronique au début du Capucin la recette d'un remède selon la méthode de désignation binominale des plantes "inventée par Linné" un siècle plus tard (Un tiers de Taraxacum officinalis, un tiers de Convolvulus arvensis, et un tiers de Ranunculus repens), je persiste et signe. Car Linné n'a pas inventé cette méthode. Il l'a généralisée!... Elle est en fait issue des travaux des naturalistes Rondelet et Biron au tout début du XVI° siècle. Nul doute que "mon" Francisco Llonch, féru de sciences, connaissait cette technique de dénomination alors âgée de plus d'un siècle...

3- Prêter aux personnages des comportements et des préoccupations "modernes". Il arrive parfois qu'un lecteur s'étonne de voir les interactions fréquentes entre religieux, nobles, artisans, simples paysans, notables, miséreux, soldats... que je dépeins dans la société catalane du milieu du XVII° siècle. Une vision, me dit-on, en total décalage avec le schéma social figé qu'on nous a enseigné (inculqué?) depuis les débuts de la III° république.
Heureusement l'historiographie moderne revient depuis quelques années sur cette vision caricaturale d'un peuple forcément malheureux et écrasé par l'alliance triomphante des nobles et des curés... Bien sûr il y a eu des seigneurs maléfiques et des religieux indignes, comme il y a de nos jours des patrons indélicats et des stars (du sport, des arts, des médias...) méprisants et méprisables. Mais ils n'étaient pas (comme ils ne sont pas) LA société. Or c'est celle-ci que je tente de faire découvrir au fil de mes textes, sans arrière-pensées idéologiques.
Avec toutefois un domaine que je reconnais avoir pour l'instant laissé en friche ou presque: la place des femmes dans cet environnement social. Il ne s'agit pas d'importer la vague #metoo au XVII° siècle de Jaume. Mais il me faudra très certainement corriger cette insuffisance, car c'est une composante importante du fonctionnement social de l'époque.

Ce serait pourant amusant, le mélange des périodes au défi de la réalité chronologique!Ce serait pourant amusant, le mélange des périodes au défi de la réalité chronologique!
Ce serait pourant amusant, le mélange des périodes au défi de la réalité chronologique!

Ce serait pourant amusant, le mélange des périodes au défi de la réalité chronologique!

Ces pièges, j'ai beau y penser en permanence lorsque j'écris (et toujours vérifier), je n'ai toutefois pas toujours su les éviter. Et c'est cela qui est amusant: dans les sept enquêtes publiées à ce jour, au moins deux gros anachronismes ont réussi à passer entre les mailles du filet de mes relectures.
Des vrais, des beaux, des cas d'école... que pourtant jamais à ce jour qui que ce soit ne m'a reprochés.

Je ne vous dirai pas lesquels, attendant avec bienveillance celui ou celle qui saura les détecter. Cela, si vous le souhaitez, vous donnera un prétexte pour replonger dans les précédents ouvrages de la collection Ribera! 😉

Publié dans De la part de Patrick

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