Laroque des Albères, la mystérieuse

Publié le par Jaume Ribera

À mon époque, on l'appelle La Roca de l'Albera. Mais il paraît qu'à la vôtre, le nom de la montagne est passé au pluriel. Pourquoi pas, après tout?

C'est un village assez étrange, car il s'est constitué en plusieurs périodes. Les temps les plus anciens ont vu les premières implantations humaines se fixer sur le versant de la montagne, à l'abri du relief et surtout de la végétation. Il en reste quelques vestiges, dont plusieurs dolmens (celui de la Balma del Moro, que je vous ai déjà présenté, est le plus remarquable).

Aux temps carolingiens, où vous savez que la région s'est repeuplée et réorganisée en regroupant les quelques cellules d'habitation qui s'étaient disséminées ici ou là, plusieurs lieux-dits sont apparus sur le territoire de l'actuelle paroisse de Laroque. Leurs noms se sont parfois conservés (Tanya, Villa Rochas devenu Villa Roca, Sant Feliu...); d'autres ont purement et simplement disparu, sans qu'on puisse même les situer avec certitude (Alamanis, Galicia, villa Torrente...).

Rares sont les toponymes que je connais, qui correspondent aux premières implantations de Laroque

C'est le petit hameau de Tanya qui prospéra le mieux dans un premier temps (je vous ai présenté son église, qui a subsisté jusqu'à vous). C'était à l'origine une villa plutôt étendue, autour de laquelle se sont agrégées quelques habitations. Elle était située au nord de l'actuelle implantation du village.

Ce qui a provoqué le déplacement, assez rare il faut le reconnaître, de tout un village, c'est l'édification d'un château, au XI° siècle. À l'écart des habitations existantes. Ce n'était pas là un caprice du petit seigneur local qui l'a fait édifier (un certain Guillem de Salses, ou un de ses proches ascendants). Ni un signe de méfiance envers les habitants ainsi tenus à l'écart. Mais plus simplement le souci de tirer parti de la topographie du lieu. Alors que Tanya s'était regroupé en plaine, c'est sur un piton rocheux contrefort de la chaîne des Albères qu'a été construit le kastrum de Rocha (pour reprendre la graphie de l'époque). Petit à petit, les seigneurs successifs ont incité les habitants de Tanya à délaisser leur bourg pour venir se regrouper autour du château. Ils y apportaient leur force de travail, et y gagnaient la sécurité des murailles et des remparts.

Ce château, il n'en reste presque plus rien désormais. Pour moi! Alors je n'ose même pas penser à ce qui peut rester à votre époque.

Laroque à la fin du XIX° siècle. La tour a été largement détruite peu après ce tableau

Ce qui est sûr en tous cas, c'est qu'il n'a jamais contrôlé la totalité des biens possédés par tous les habitants de Laroque. D'autres seigneurs voisins (je pense à ceux de Sorède, mais aussi aux abbayes de Saint Genis et de Saint André) exerçaient une autorité foncière importante sur le village et ses terres. De plus, l'existence et la survie de nombreux hameaux correspondant à des paroisses sur le flanc de la montagne (Lavall, La Pava...) ont aussi privé les propriétaires du château de toute l'autorité qu'ils auraient pu espérer posséder: jamais les seigneurs de Laroque (à supposer que le titre ait réellement eu une réalité) ne sont devenus gens importants dans la région. Et comme à la fin du XII° siècle, le titulaire du titre n'eut qu'une fille, le mariage de cette dernière avec un membre de la famille des comtes d'Ampurias fit de Laroque une ville royale.

La population ne s'en trouva pas plus mal. En effet, les Ampurias avaient tout à gagner à ce que le lieu fût prospère, et surtout à l'écart des rivalités entre petits seigneurs roussillonnais. Ils accordèrent donc des autorisations de forges, moulins, ateliers, qui assurèrent à Laroque une certaine aisance économique.

La neutralisation entre eux de tous ceux qui auraient pu prétendre à devenir seigneurs sur place fit le reste: Laroque resta depuis un village épargné par les querelles de type médiéval qui ont longtemps duré dans notre région.

Au risque, peut-être, de se faire un peu oublier au pied de la chaîne des Albères...

Publié dans Ma région

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B
Voilà un article qui donne envie de visiter ce village !
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P
Merci à vous