La fin de la plage de sable

Publié le par Jaume Ribera

Patrick me dit qu'à votre époque, et depuis longtemps, cet endroit s'appelle Le Racou. Et il s'étonne que ce nom n'éveille rien pour moi. Et pourtant!...

Comment lui faire comprendre que le lieu, en mon milieu du XVII° siècle, est totalement désert et inhabité? Je vous l'ai déjà dit: la mer n'est pas une amie, pour nous Argelésiens. Et je fais figure d'original, si ce n'est plus, avec mon habitude des longues promenades sur le sable, là où les vagues viennent mourir doucement.

Entre l'embouchure de la Massane et les premiers rochers des Albères... Un bout du monde alors inhabitéEntre l'embouchure de la Massane et les premiers rochers des Albères... Un bout du monde alors inhabité

Entre l'embouchure de la Massane et les premiers rochers des Albères... Un bout du monde alors inhabité

Alors donner un nom à ces lieux!... Ce n'est même pas la peine d'y songer...

Et pourtant, il me parle cet endroit. Je reconnais même qu'il est assez cher à mon cœur. Souvent en effet, au retour d'une visite dans un des rares mas parsemant cette fin de la côte sablonneuse, je viens passer quelques minutes de rêverie, à regarder les flots mouvants et l'horizon changeant.

Mes moments préférés sont ceux où un temps orageux arrive de la mer, au large, et où je reste assis sur un des rochers s'avançant dans les eaux. Au-dessus de moi, de lourds nuages noirs s’effilochent et se bousculent avec violence sous la force du vent. Ils montent lentement de l’horizon et roulent de plus en plus vite vers le rivage.
Au ras des flots, là où je suis assis, les embruns cinglent et trempent le tissu de mes vêtements. De rares mouettes tentent désespérément de se diriger vers l’abri d’un rocher, ne parvenant qu’à se poser sur l’eau, étonnamment malhabiles.

J'adore ces moments où la mer perd toute cohérence, où l’écume parsème d’innombrables taches blanches l’immensité sombre, et où les vagues ballottent à l’infini ce qui est tombé par hasard dans les flots.
C'est souvent dans ces circonstances que je régénère mon esprit, en offrant mon visage au souffle du vent, peu soucieux de l’eau qui dégouline de mes cheveux jusque dans mon cou. Et peu importe, alors, si Francisco doit me reprocher ensuite ce qu'il appelle mes folles imprudences et si sa fidèle Eulalia se plaint de l'état de mes vêtements trempés.

La mer se déchaîne sur le RacouLa mer se déchaîne sur le RacouLa mer se déchaîne sur le Racou

La mer se déchaîne sur le Racou

D'après ce que me dit Patrick, l'endroit a lui aussi beaucoup changé depuis mon époque. On y a construit; on y habite, parfois à l'année...

Mais ce qui me rassure, même s'il est dommage que certains doivent en souffrir, c'est que la force des orages et de la mer, régulièrement, se rappelle au bon vouloir des hommes.

Difficile, en effet, de domestiquer la nature, en cet envoûtant bout du bout du monde!

Publié dans Ma région

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