Nos curés

Publié le par Jaume Ribera

Personnage essentiel de la vie de toutes les communautés humaines, dans ma société, les curés de paroisse ont été extrêmement caricaturés durant les siècles qui ont suivi, m'a expliqué Patrick.
Même si à titre personnel, je ne suis pas forcément très proche d'eux, sans doute en raison de l'influence de Francisco à mes côtés, je tiens à profiter de ces récits que je vous envoie pour enjamber une fois de plus les inventions des siècles et restaurer les réputations maltraitées.

Avant tout, le curé est celui qui a pour fonction de nous transmettre la parole divine. Il le fait toutefois, il faut l'admettre, par le moyen d'une liturgie qui nous reste assez largement hermétique: la langue de la religion est à notre époque le latin, que quasiment personne, parmi nous, ne comprend. Même moi, que mes études de médecine ont amené à manipuler cette langue, je ne comprends pas le dixième de ce qui se dit ou se psalmodie durant les offices religieux.

Sur un autel improvisé avec quelques paroissiens, en chaire dans sa majestueuse église, ou lors d'une cérémonie en plein air... célébrer la messe est la tâche principale du curéSur un autel improvisé avec quelques paroissiens, en chaire dans sa majestueuse église, ou lors d'une cérémonie en plein air... célébrer la messe est la tâche principale du curéSur un autel improvisé avec quelques paroissiens, en chaire dans sa majestueuse église, ou lors d'une cérémonie en plein air... célébrer la messe est la tâche principale du curé

Sur un autel improvisé avec quelques paroissiens, en chaire dans sa majestueuse église, ou lors d'une cérémonie en plein air... célébrer la messe est la tâche principale du curé

Alors en quoi y a-t-il transmission du message divin? Parce que notre époque est encore fondamentalement imprégnée par le discours catholique. Nous sommes une société rurale, peu instruite au-delà des rudiments fondamentaux, qui a besoin d'une colonne vertébrale spirituelle, susceptible de mieux nous faire accepter notre condition de mortels.
Ce n'est toutefois pas pendant les offices que le curé nous fait comprendre ce message divin. C'est en s'appuyant sur le prestige conféré par leur célébration que par la suite, au quotidien, ses conseils, ses paroles en confession, sa présence aux moments importants de notre vie, diffusent une pensée dont nous avons nécessairement besoin pour conduire nos vies.

Mais le curé, c'est aussi un relai du pouvoir. Le pouvoir des seigneurs, le pouvoir des notaires, le pouvoir des abbés lointains... de tous ceux qui, à un titre ou un autre, ont des droits à exercer sur nos communautés. C'est le curé qui tient les registres paroissiaux; lui qui reçoit les testaments de ceux qui sont trop faibles ou trop pauvres pour se rendre jusque chez le notaire; lui toujours qui sert parfois d'intermédiaire dans la perception des divers impôts et taxes que nous devons acquitter; lui toujours qui assure (je vous en ai parlé) l'éducation donnée aux enfants...

Tenir les registres paroissiaux: une tâche essentielle à laquelle ils apportaient parfois beaucoup de soin et d'application. Parfois moins...

Il est la mémoire de la communauté, d'autant plus qu'il est un des rares à maîtriser totalement l'écriture et la lecture... Il est aussi, auprès de nous, celui qui pourra nous aider dans telle ou telle démarche. Dans notre époque très procédurière nous avons besoin, à nos côtés, de quelqu'un qui saura nous épauler, nous conseiller, nous aider à éviter les obstacles et les pièges.

Alors qui sont-ils, ces curés?
Souvent, mais pas toujours, ils sont issus d'une des principales familles de la paroisse (ou d'une paroisse voisine). Pour elles, vouer un de leurs enfants (fréquemment plusieurs) à la religion est un gage de piété, qui leur sera rendu dans l'au-delà. Et pour l'Église, c'est l'assurance de ne pas manquer d'effectifs: le réseau des paroisses est très dense, et j'en connais certaines (souvenez-vous de mon enquête à Serrabona) qui ne comptent que quelques fidèles dont il faut néanmoins s'occuper.
Dans les paroisses de montagne (c'est moins vrai dans la plaine, et plus on se rapproche de Perpignan), les curés leur restent fidèles jusqu'à ce que l'âge ou la maladie les privent de leur ministère. Lorsque le moment arrive, il est fréquent qu'ils restent sur place, avec des tâches allégées, secondés par un nouveau curé qui les remplacera totalement après leur mort. Ce futur remplaçant a été souvent instruit, formé, choisi par eux-mêmes. Surtout s'il est de leur famille...

En 1757, Antoni Storch décède. Il était curé de Boule d'Amont depuis plus d'un demi-siècle, secondé depuis quelques années par son neveu, qui resta lui-même à la tête de la paroisse durant plus de dix-sept ans

Pour la communauté, c'est une continuité précieuse, car elle est garante d'une mémoire perpétuée des enjeux, des rivalités, des promesses, des menaces, qui traversent (et cimentent aussi) notre groupe.

Finalement, le curé est l'un des nôtres. Il vit comme nous, il s'habille comme nous, il partage nos travaux, nos fêtes, nos peines... et souvent aussi nos travers: ils ont beau être curés, ils n'en sont pas moins humains...
Cela dit, ce que je viens de vous dire est de moins en moins vrai. Depuis quelques décennies, la Contre-Réforme catholique veut redonner une certaine majesté, gage de rectitude et d'intégrité dans l'engagement religieux, à tous nos curés.

Cela ne va, souvent, pas sans mal...

J'aurai l'occasion de vous en reparler.

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