À table!...

Publié le par Jaume Ribera

Là encore, le récit que me fait Patrick de la façon dont vous voyez notre époque me paraît assez éloigné de ce que nous vivons réellement.
Non! Hormis les périodes de disette survenant suite aux caprices du climat ou aux événements guerriers, nous ne manquons pas de nourriture, et nous ne nous contentons pas de quelques raclures desséchées avalées à la va-vite avant de retourner au dur labeur...
Quant aux nobles et aux riches, ils ne se vautrent pas dans d'interminables agapes, sauf lors de cérémonies particulières.

En fait, la nourriture est là pour nous donner des forces, pour aider les plus jeunes à grandir, les plus âgés à ne pas péricliter, et tous à affronter les maladies et les rigueurs du temps. Nous mangeons pour vivre, pas l'inverse.
Et il faut croire que nous mangeons suffisamment, sinon vos générations ne seraient pas en train de me lire, car elles n'auraient pas pu exister.
S'il faut vraiment chercher une coupure au sein de la société catalane de mon temps, sur ce sujet de l'alimentation, il ne faut pas la chercher entre les riches et les pauvres.
 

Quelque soit le milieu social, le repas réunit toute la communautéQuelque soit le milieu social, le repas réunit toute la communauté

Quelque soit le milieu social, le repas réunit toute la communauté

Mais plutôt entre ceux qui vivent dans la plaine du Roussillon, et tous ceux qui vivent dans l'arrière-pays.
Lors de mon enquête sur le meurtre du jeune novice, à Serrabona, j'ai été surpris par l'abondance des mets que nous a servis Pau Cadell, dans son mas de Lavall. Certes, il est pagès, et occupe une position de notable au sein de sa communauté. Mais il ne vit pas pour autant dans l'aisance, j'ai pu le constater sur place. Pourtant, sa table était abondante et variée... Et lorsqu'à la tombée du jour j'errais dans Espira à la recherche de Sylvia, les effluves de véritables repas émanaient de la plupart des maisons du village, même les plus pauvres.
Parce que dans les forêts, les rivières, les vergers des environs, les récoltes fournissent souvent plus que ce qui sera vendu sur les marchés. L'ordinaire familial est donc plus varié, et plus conséquent.

Dans la plaine, en revanche, les cultures sont moins diversifiées. On y produit quelques céréales, de la vigne, et pas grand-chose d'autre... Dans ce contexte plus restreint en produits, la base de la nourriture reste le pain. Tranché avec quelques charcuteries, ou le plus souvent trempé dans des soupes où légumes et racines sont plus fréquents que viandes et graisses, que l'on consomme néanmoins de temps en temps.
Le pain est fabriqué en général à la maison, avec la farine moulue par le moliner (meunier). Un personnage essentiel, celui-ci; il faudra que je vous en parle!... Un pain solide, roboratif, presque bourratif, qui nous apporte de l'énergie, mais qui aussi cale nos estomacs en chassant la sensation de faim.

La large miche de pain, qui a l'avantage de se conserver plusieurs jours sans devenir dure

Cela dit, c'était surtout il y a deux ou trois siècles qu'il n'y avait rien d'autre de sérieux à manger. Désormais, avec les légumes pas assez beaux pour être vendus, avec quelques morceaux de viande (pas toujours maigre, sauf durant les périodes où la liturgie catholique l'exige), avec les fruits des petites parcelles de terre que possèdent ou qu'utilisent presque toutes les familles, et surtout avec les volailles et les œufs du poulailler, les ménagères élaborent de vrais plats venant compléter la traditionnelle soupe.

Nos repas, de plus en plus, se composent désormais de deux plats principaux. Mais attention! Nous ne faisons qu'un seul vrai repas par jour. Le reste du temps (même en milieu de journée, alors que votre déjeuner est un repas à part entière), nous nous contentons d'en-cas composés de tranches de pain (encore!) frottées d'ail ou de saindoux. Nul besoin de quoi que ce soit d'autre avant que tout le monde se réunisse enfin pour le repas collectif, pris à la tombée du jour juste avant de se coucher.

Le repas de toute la maisonnée, en fin de journée

Dans des textes à venir, je vous reparlerai du repas, moment essentiel de la vie de famille. Je vous raconterai aussi quelques-uns des plats les plus appréciés de notre cuisine (plusieurs sont arrivés, embellis et sophistiqués, jusqu'à vous). Et bien sûr, je vous parlerai des boissons qui les accompagnent.

Croyez-moi, j'arriverai à vous faire saliver!...

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