La passion du jeu
Et si nous jouions aux cartes?
Bon je sais! Séparés les uns des autres par 360 années, cela ne va pas être simple à organiser!... Alors je vais être plus modeste et me contenter de vous parler de ces petits bouts de carton qui sont récemment venus perturber la quiétude de ma cité d'Argelès. Patrick me dit d'ailleurs qu'il vous raconte tout cela dans le prochain récit qu'il publiera bientôt.
Notre société, contrairement à ce que beaucoup croient à votre époque, n'est pas triste. Au-delà des moments consacrés au labeur (dur, certes), les occasions de se distraire et de se réjouir ne manquent pas. Et reconnaissons-le: les jeux de cartes ne sont pas rares dans les tavernes et les hostelleries.
Il faut dire qu'elles sont belles, les cartes de notre pays catalan. Même si elles sont surtout répandues en Espagne, nous les appelons des cartes catalanes. Car nous savons bien que c'est grâce aux échanges maritimes autour de la Méditerranée que ces objets se sont introduits dans la péninsule, par le port de Barcelone. C'était il y a ... pas mal de temps. À la fin du quatorzième siècle.
Si le dessin peut parfois changer, au gré de l'inspiration du cartier, les signes sont immuables. Il y en a quatre différents. Selon certains ils représentent les quatre niveaux de la société catalane de l'époque. Moi j'ai tendance à me méfier de ces explications qui veulent toujours trouver du sens historico-politique au moindre fait social. C'est vrai que ça ne coûte rien d'y croire, mais je vous laisse vous faire vous-même votre opinion...
- Les espases (les épées). Qui bien sûr symboliseraient les nobles, qui occupent l'essentiel des fonctions militaires à mon époque.
- Les copes (les coupes). Qui ne seraient pas de simples verres, mais des calices. Instrument par excellence des religieux, symbolisant donc le clergé.
- L'or (que l'on appelle aussi les deniers, ou tout simplement les pièces). Bien sûr il symbolise la richesse apportée par le commerce et les échanges.
- Les bastos (les bâtons). De véritables gourdins, en fait, plus ou moins stylisés, qui représentent les travailleurs de la terre, les plus nombreux de la population.
Un jeu normal a 48 cartes, 12 de chaque signe. Les neuf premières sont classiques et ne représentent que le nombre d'objets qu'elles valent. Les trois plus fortes représentent des êtres humains, dotés du signe de la carte. Très classiquement, on retrouve la trilogie que vous connaissez dans vos propres jeux de cartes. Au sommet se trouve (bien sûr!) le Roi. Juste après les simples valeurs, se situe le Valet (ou l'écuyer). Entre les deux ... je ne me prononcerai pas. Pour certains c'est le Cavalier. Mais d'autres pensent qu'il s'agirait en fait d'une cavalière, voire d'une reine. N'oubliez pas, de toutes façons, que dans mon siècle la place des femmes n'a rien à voir avec ce qu'il est devenu à votre époque. Là encore, c'est l'inspiration du maître cartier ou la demande de son client qui feront pencher le dessin vers un personnage masculin ou féminin...
De toutes façons, dans les plus anciens jeux (celui-ci est de 1390), bien malin qui pouvait distinguer hommes et femmes
Vous allez me dire que tout cela est bien joli... Mais à quoi joue-t-on avec ces cartes? Ils sont nombreux, les jeux qui ont été inventés au fil des siècles. Laissez-moi juste le temps de mettre tout cela en ordre dans mon esprit... et je vous en parlerai avec plus de détails.