La Mare de Déu de les Abelles

Publié le par Jaume Ribera

Vous allez trouver que j'exagère!
Encore une ancienne chapelle; devenue église paroissiale au cours du Haut Moyen Âge; qui a périclité lentement, à cause de son éloignement, il y a un ou deux siècles (pour moi); et sur laquelle vient d'apparaître un ermitage...
Vous connaissez cette histoire, je vous l'ai déjà racontée plusieurs fois!

Mais il y en a tellement, de ces petites implantations qui furent jadis le siège de ces minuscules paroisses qui rassemblaient les populations sur les pentes des Albères.

Celle dont je vais vous parler aujourd'hui est située tout près de la nouvelle frontière d'avec le royaume d'Espagne, sur les hauteurs de Banyuls del Maresme. Banyuls sur Mer, pour nos nouveaux maîtres français d'aujourd'hui. Je vous reparlerai de ce village qui est à la fois un petit port de pêche de la côte rocheuse et un territoire fortement agricole (et surtout vinicole) s'étendant loin sur les pentes de la montagne.
En fait, Banyuls contrôle les terres les plus méridionales de notre région. Celles qui seraient sans doute restées espagnoles, si le Traité de l'année dernière n'avait pas fixé la ligne de crête comme limite entre les deux États.

Et au plus haut de cette ligne de démarcation, juste au-dessous du pic de Sallfort, qui est réputé pour être le plus élevé des Pyrénées côtières, est né le hameau des Abelles.

Un hameau? Un rassemblement de bâtiments agricoles, plutôt...

Précisons tout de suite, histoire d'éviter les plaisanteries douteuses, que cette dénomination n'a aucun rapport avec ces attachants petits insectes qui adorent butiner durant l'été, et qui nous offrent le miel, si précieux dans notre cuisine.

Non! À l'origine, ce nom vient de la voie de passage dans la montagne surplombant l'endroit, qui s'appela longtemps le col d'Espils. Certains disent que ce toponyme était (déjà) une déformation du mot latin specula, qui désignait une tour de guet. C'est possible, car l'endroit nécessitait d'être protégé, à la frontière des comtés de Roussillon et d'Ampordá, et il y fut sûrement construit un tel observatoire (dont il ne reste rien, bien sûr).
Quoi qu'il en soit, brusquement, le lieu changea de nom à partir du tout début du XIII° siècle. Un copiste distrait, ou malhabile, transforma Espils en Apilis dans un acte de 1208... Et les abeilles remplacèrent la tour de guet... Notez que de l'autre côté de la montagne, sur le versant resté espagnol, se trouve le village d'Espolla, qui, lui, a gardé son étymologie originelle.

Progressivement, le lieu étendit son influence sur tous les mas parsemés dans les environs. Il devint même une sorte de seigneurie, sans grand pouvoir sûrement, puisque à l'époque le territoire n'était même pas frontalier. Un certain Guilhem de Pau, possessionné dans l'Empordá, en devint le maître il y a 350 ans; ses descendants le sont toujours.
Le mas principal se dota d'une chapelle, et c'est elle qui au fil des siècles devint une petite église paroissiale.

Insérée dans le bâtiment principal, c'était au départ une simple chapelleInsérée dans le bâtiment principal, c'était au départ une simple chapelle

Insérée dans le bâtiment principal, c'était au départ une simple chapelle

À l'écart de tout, éloignée des villages situés sur les deux versants, cette église ne pouvait pas être dotée d'un destin remarquable. Elle périclita lentement: Francisco m'a un jour raconté qu'il y a 150 ans, au début du XVI° siècle, il n'y avait plus qu'une famille qui habitait aux alentours. Il n'est pas surprenant que l'église, qui a toujours dépendu du monastère de San Quirze de Colera (resté désormais en terre espagnole) ait donc été sécularisée, avant d'être purement et simplement abandonnée.

Jusqu'à il y a une dizaine d'années, lorsque quelques travaux remirent en état ce qui était encore debout, et qu'un ermite s'y installa. Un amoureux de l'isolement, sûrement, car plus que jamais, et même si elle veille désormais sur la nouvelle frontière, l'église de la Mare de Déu de les Abelles est oubliée de tous.

Au point que Patrick me dit qu'elle ne subsiste désormais plus que comme une petite partie d'un mas devenu exclusivement privé, mais peu mis en valeur, au gré de quelques modestes restaurations plus ou moins provisoires.

Il est tellement isolé!...

Publié dans Ma région

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