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Des animaux de compagnie???

Publié le par Jaume Ribera

Il y a bien sûr énormément de différences (voire de divergences) entre votre époque et la mienne. Il en est une qui touche au mode de vie des individus de tout rang social: la place faite aux animaux. Si j'en crois ce que me raconte Patrick, certains ne reculent devant aucune extravagance en vos temps...

Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???

Pour mes contemporains (comme pour moi d'ailleurs), l'animal ne peut exister auprès de l'être humain que parce qu'il y a un e bonne raison pour ça. Je ne parle bien sûr pas ici des animaux sauvages, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas de contacts réguliers avec les humains. Ceci étant précisé, il n'y a dans notre vision de la vie que deux types d'animaux.

- Ceux qui ont une utilité économique ou pratique. Le plus important parmi ceux-ci est bien sûr le cheval, qui est avant tout notre principal moyen de transport. À l'extérieur des villes, tout le monde sait monter à cheval dès sa plus jeune enfance. Et souvent à cru! La seule vraie difficulté est qu'un cheval coûte cher. À acheter et surtout à entretenir! C'est pour cela que beaucoup se contentent d'un simple âne, ou d'un mulet.
Les autres animaux utiles sont ceux que l'on rencontre dans toutes les fermes: bovins, ovins, volailles, porcins... Ceux-ci ne sont pas uniquement des réserves de nourriture. Ils sont nécessaires pour l'élimination des déchets, les travaux des champs, la collecte de leur laine... Ils sont aussi une source appréciable de revenus, lorsque les portées ont été fécondes.

Des animaux de compagnie???Des animaux de compagnie???
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- Ceux qui sont uniquement des proies. Dans quel but? La nourriture bien sûr! Hormis les poissons (de mer ou de rivière), qui ne nous servent à rien d'autre, ils ne sont d'ailleurs pas si nombreux que ça, car les chasser nécessite des moyens qui ne sont pas disponibles pour tout le monde. De plus, les gibiers posent d'autres problèmes. Hormis le petit gibier (lapins et oiseaux essentiellement, capturés la plupart du temps par des pièges), les grosses pièces (chevreuils, cerfs, voire sangliers...) nécessitent que leur viande soit correctement conservée pour être consommable sans danger. Or à mon époque, les moyens de conservation ne sont pas très sophistiqués, hormis les salaisons. Sachant que le sel est devenu une denrée très chère, depuis que notre nouveau roi nous a assujettis à la gabelle, que notre région n'avait jamais connue sous la couronne espagnole.

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Je vous devine en train de protester: "Et les chiens et les chats, alors?". Car je sais qu'à votre époque, ces deux espèces vivent totalement avec vous, sans autre fonction que d'égayer votre quotidien. Pour mes contemporains, ils font uniquement partie de la première catégorie dont je vous ai parlé. Les chiens parce qu'ils nous aident à la chasse et qu'ils surveillent la sécurité de nos habitations. Les chats parce qu'ils sont les prédateurs principaux des rats et des souris qui en veulent aux réserves de nourriture que nous avons dans nos celliers ou nos greniers. Et c'est tout!

Ce qui ne nous empêche pas, rassurez-vous, d'avoir de l'affection pour nos animaux et d'apprécier leur compagnie. Mais que voulez-vous! À mon époque, l'impératif majeur pour la majorité d'entre nous est celui de la survie. Dans un contexte social où pour beaucoup il est difficile de nourrir tous les humains habitant la maisonnée, il serait impensable d'ajouter d'autres bouches à nourrir, félines ou canines... uniquement pour avoir de la compagnie!...

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Disparaître à mon époque...

Publié le par Jaume Ribera

Même si Patrick fait toujours très attention à ne pas me perturber quand il me parle (un peu) du monde dans lequel il vit (vous aussi, d'ailleurs), il lui arrive d'évoquer des choses pour lesquelles j'ai du mal à comprendre ce qu'il veut me dire. Ou au contraire je comprends trop bien ... qu'il se trompe totalement sur la réalité de mon monde.

L'autre jour durant un de nos échanges, il a soudain laissé tomber une phrase illustrant parfaitement ce fait. "Tu te rends compte que chaque année, dans notre pays, il y a environ 1000 personnes qui disparaissent totalement et qu'on ne retrouve jamais! Deux fois la population d'Argelès chaque année! Ce n'est pas à ton époque que cela serait arriverait... Vous êtes tellement plus solidaires entre vous..."
Solidaires?... Oui bien sûr...
Plus que vous? Je n'en sais rien, après tout: je ne vis pas à votre époque! D'après ce qu'il m'en dit, cela semble probable... Mais peu importe.

Si toutefois vous pensez comme lui, détrompez-vous: de mon temps aussi elles sont relativement fréquentes, les disparitions. Je ne parle pas de cas comme celui de mon ami Emanuel d'Oms, parti il y a plus d'un an avec femme et enfants dans les lointaines îles des Amériques et dont nous sommes sans nouvelles depuis. Je parle de gens qui ont quitté leur maison pour aller vaquer à diverses occupations (parfois anodines) et que plus personne n'a revus vivants ou morts. À part le bouche à oreille, nous ne disposons d'aucun moyen pour faire savoir que quelqu'un les recherche.

Du plus rudimentaire au plus sophistiqué...Du plus rudimentaire au plus sophistiqué...

Du plus rudimentaire au plus sophistiqué...

Pourquoi disparaît-on, à mon époque? Difficile d'avoir une réponse qui englobe tous les cas particuliers.

Bien sûr il arrive que certains le fassent pour changer de vie; pour partir voir ailleurs si leur destin ne serait pas meilleur que là où ils se trouvent depuis leur naissance. Nos temps, toutefois, ne sont guère propices à de tels cheminements personnels. Certains diront que nous sommes trop préoccupés par la nécessité de simplement survivre pour nous demander si nous ne pourrions pas mieux vivre. Sans doute. Peut-être aussi savons-nous nous contenter de ce que nous avons, sans chercher à atteindre un mieux qui risque fort d'être inatteignable.

Certains peuvent avoir fait une mauvaise rencontre qui leur aura été fatale, leur meurtrier réussissant à faire disparaître à tout jamais le cadavre, preuve de son forfait. Je vous l'ai déjà expliqué, je crois: nous nous déplaçons beaucoup (beaucoup plus qu'on le croit à votre époque) et parfois sur d'assez longues distances. Et bien sûr durant ces déplacements nous n'avons plus de contacts avec notre entourage proche. Ce n'est qu'après plusieurs semaines que notre absence deviendra vraiment inquiétante pour lui.

Enfin, et c'est le cas le plus fréquent, un accident peut survenir lors d'un de ces déplacements. Quelqu'un meurt ou est trouvé mort alors qu'il n'est que de passage dans une paroisse trop éloignée de son lieu d'origine pour qu'on sache plus que son nom (et encore pas toujours). Il n'y aura pas d'autre alternative pour le curé de l'endroit que de l'inhumer et d'écrire quelques lignes lapidaires dans ses registres. Sans pouvoir prévenir qui que ce soit...

Dans ce cas, par exemple, comment savoir qui étaient ces deux pauvres victimes de noyade? D'où venaient-elles? Et qui étaient les proches qui ne purent que les pleurer sans rien connaître de leur sort fatal?

Deux femmes trouvées noyées dans le Tech

Deux femmes trouvées noyées dans le Tech

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Un château en sursis?

Publié le par Jaume Ribera

Je vous ai parlé dans mon dernier post (déjà un mois!...) de Força Real. Mais surtout de son histoire. De mon temps, ce lieu est dominé par le château du même nom. C'est un très vieux bâtiment, déjà partiellement délabré, construit durant les premières années du XIIIe siècle. Patrick me dit que les historiens des siècles après le mien ont longtemps débattu de cette datation. Certains font même remonter son apparition aux temps de la conquête romaine. Quand je lui en ai parlé, cela a beaucoup fait rire mon ami Francisco.
"Depuis quand les Romains construisaient-ils des châteaux en pierre? Aussi importants de surcroît?" s'est-il exclamé.
En fait, Força Real est clairement contemporain de toute la ceinture de tours de guet et de castells de nos terres catalanes situées au nord des Pyrénées. Sa fonction initiale était de combler un vide de la surveillance d'une frontière qui certes n'était pas trop menacée, mais qui séparait les royaumes pyrénéens: celui d'Aragon au sud et celui de France au nord, entre lesquels n'exista que très éphémèrement le royaume de Majorque.

Tautavel, Opoul, Força Real... Il n'en reste souvent plus grand-chose.Tautavel, Opoul, Força Real... Il n'en reste souvent plus grand-chose.Tautavel, Opoul, Força Real... Il n'en reste souvent plus grand-chose.

Tautavel, Opoul, Força Real... Il n'en reste souvent plus grand-chose.

Les ambitions de tout ce beau monde étant antagonistes, les ouvrages fortifiés se multiplièrent de part et d'autre de leur frontière, fragilement fixée lors du traité de Corbeil en 1258. Situé entre Millas et Montner, le nouveau château bénéficiait en outre de sa situation privilégiée au sommet d'un piton dominant toute la plaine du Roussillon.

C'est cette implantation sur un promontoire étroit qui explique d'ailleurs son plan assez étrange. Alors que la plupart des châteaux édifiés à cette époque étaient quadrangulaires, celui de Força Real épouse le plus possible la forme du promontoire au sommet duquel il est situé.
L'extrémité occidentale, particulièrement resserrée, était dominée par une élévation dont même à mon époque il ne reste plus grand chose: tour? mirande? terrasse? On ne sait plus trop. Quelque chose en tous cas qui renforçait la sécurité de l'endroit, face à son côté le plus aisément accessible: la pente est moins abrupte et plus empierrée de ce côté-là!

Une forme biseautée imposée par son implantation

Une forme biseautée imposée par son implantation

Le reste de la construction était plus classique pour un château de cette époque. Une vaste cour, cernée par les fortifications et au centre de laquelle se trouvait une citerne; des souterrains, pour la plupart effondrés (mais pas tous, hélas, comme j'ai pu m'en rendre compte récemment); un donjon, qui a vraisemblablement beaucoup souffert des bombardements d'artillerie lorsque les armées françaises ont commencé leur avancée vers le contrôle de la plaine roussillonnaise, à partir de 1639...

Malgré ce délabrement de la construction et malgré le fait que désormais, depuis quatre années la frontière a été déportée bien plus au sud, privant Força Real de tout intérêt militaire, le château est toujours habité. Je n'ose pas parler d'une garnison! Ils sont rarement plus de ... trois ou quatre soldats, en général en fin de carrière, sanctionnés ou blessés, très vaguement commandés par un officier, très mal payés...

Et donc hélas prêts à tout pour simplement survivre.

Mais ça, c'est une toute autre histoire.

Publié dans Ma région

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Força Real

Publié le par Jaume Ribera

C'est un endroit que je viens de découvrir. Comme il est situé à plusieurs lieues d'Argelès, je ne le connaissais en effet pas. À l'origine, c'est une montagne. Je devrais plutôt écrire "une grosse colline". Je n'en connais pas l'origine géologique (Francisco ne me l'a pas encore expliquée), mais c'est comme un gros piton rocheux qui domine toute la plaine et les vallées aux alentours.

Comme un mini-Canigou...

Comme un mini-Canigou...

Son intérêt principal a longtemps résidé dans sa situation: Força Real  était en effet une vigie plantée (côté espagnol) sur la frontière qui séparait depuis longtemps les deux royaumes pyrénéens perpétuellement rivaux.
Depuis le XIII° siècle, en fait. En 1258, à Corbeil près de Paris, un traité mit fin (hélas provisoirement) à la guerre opposant depuis plusieurs décennies le royaume d'Aragon et celui de France. Leurs rois Jaume I et Louis IX renoncèrent tous deux à leurs prétentions territoriales. L'Aragonais promit d'abandonner toutes ses ambitions sur le Languedoc tandis que le Français jurait de ne plus vouloir s'approprier les comtés catalans (dont mon Roussillon).

Comme vous vous en doutez, l'encre dudit traité était à peine sèche que déjà les deux monarques cherchaient les meilleurs moyens pour contourner leurs promesses. D'autant plus que malgré les précautions le texte avait laissé quelques litiges non résolus. Mais c'est une autre histoire, que des livres très savants vous raconteront bien mieux que moi.

Ce dont je voulais vous parler est le fait que ce traité a dessiné une frontière nouvelle entre les deux royaumes. Les négociateurs ont été amenés à dresser la liste des villages qui seraient désormais dépendants de chacun d'eux. Celui sur lequel se trouvait Força Real s'appelait Montner. Le traité l'attribua au royaume d'Aragon dont il devint village frontalier, puisque le tracé passait entre lui et son voisin de La Tor (qui s'était longtemps appelé Tor de Triniach).

Au centre du cercle: l'emplacement de Força Real sur la frontière

Au centre du cercle: l'emplacement de Força Real sur la frontière

Situé en un tel endroit, le monticule rocheux ne pouvait que servir de base pour la construction d'un château, chargé de surveiller (au cas où...) ce qui se passait de l'autre côté de la frontière.
Sa construction fut terminée dès avant la fin du XIII° siècle, durant une époque où de nombreux autres castels préexistants furent rénovés et renforcés, de part et d'autre de la frontière.

Ce château, je vous le présenterai dans un prochain article, même s'il est désormais extrêmement délabré et s'il a perdu tout intérêt militaire depuis que les terres catalanes du nord des Albères sont devenues françaises, au même titre que l'ensemble du Fenouillèdes.

Publié dans Ma région

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Salses, une forteresse très convoitée

Publié le par Jaume Ribera

Je vous ai raconté dans mon dernier message comment les troupes françaises et espagnoles s'étaient disputé la possession du modeste château de Leucate. Il était contrôlé par le royaume français, même si tout le monde ne fut pas forcément très loyal au sein de la famille des gouverneurs héréditaires.
Toutefois la vraie rivalité concernait une forteresse bien plus importante située 2 lieues plus au sud (comme toujours, Patrick me demande de préciser que pour vous cela veut dire environ 15 km...) à Salses.

Cette forteresse se situe au débouché d'un goulet géographique constitué par les premiers contreforts des Corbières et l'étang de Leucate. Même si elle est de basse altitude la zone montagneuse, certes franchissable par les troupes à pied, est inaccessible aux pièces d'artillerie et aux charriots du train et de l'approvisionnement.

Une étroite bande de terre longeant l'étang, passage ogligé des envahisseurs éventuels

Une étroite bande de terre longeant l'étang, passage ogligé des envahisseurs éventuels

À cet endroit-là existait depuis le Moyen-Âge un vieux château médiéval. Un carré de taille modeste, construit sur un éperon rocheux, avec une vaste cour intérieure. Et le village de Salses non loin. Rien que de très classique. Suffisamment peu impressionnant toutefois pour l'empêcher d'être pris et détruit (ainsi que tout le village) par les troupes françaises de Charles VIII en 1496. Les Rois Catholiques Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille récupérèrent l'endroit par traité et décidèrent alors la construction d'une nouvelle place forte. Non pas sur le monticule rocheux mais dans la plaine, au débouché de l'axe traversant les Corbières et ouvrant la voie vers le Roussillon.

Là ils firent construire une forteresse à l'emplacement exact du village détruit (j'imagine le désarroi de la population). Elle fut terminée en seulement six ans et est connue pour avoir été réellement novatrice en architecture militaire, particulièrement adaptée aux innovations de l'époque (notamment l'apparition du boulet métallique).

Une des rares représentations de la première forteresse de Salses

Une des rares représentations de la première forteresse de Salses

Patrick vous racontera (en principe...) dans le récit de ma septième enquête comment j'ai eu connaissance de documents décrivant les installations militaires espagnoles des années 1630. Plusieurs d'entre eux se rapportaient à cette forteresse. Vaste (65 toises de long pour 50 de large, ce qui pour vous correspond paraît-il à 110 mètres sur 84), assez enfoncée dans le sol et donc peu vulnérable à l'artillerie, dotée de plusieurs ouvrages de défense avancée, de multiples coursives et galeries souterraines, d'un donjon entièrement fortifié... Elle avait vraiment belle allure.

Vous êtes peut-être surpris que j'en parle au passé alors qu'elle m'est contemporaine. Conscients de sa valeur militaire les Français la redoutaient. Ils l'assiégèrent une première fois, sans succès, avant même qu'elle fût achevée. Puis entre 1639 et 1642 elle a subi trois nouveaux sièges, changeant trois fois de maîtres avant de rester définitivement française en 1642, quelques jours après la fin du siège de Perpignan. Elle perdit alors peu à peu son intérêt militaire avant d'être totalement inutile après l'annexion de toute la région par la France avec le Traité de 1659 qui déplaça la frontière nettement plus au Sud. Très abîmée durant les sièges successifs et abandonnée par les garnisons qui y logeaient elle se dégrade désormais de plus en plus.

À Paris le gouvernement hésite entre la reconstruire avec les nouvelles techniques architecturales (le fort bastionné est très en vogue de mon temps) ou simplement la raser mais cela coûterait très cher et le Trésor royal n'est pas très rempli... Alors on verra ce qu'elle deviendra...

Publié dans Ma région

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1637

Publié le par Jaume Ribera

Patrick me réclame un petit cours d'histoire locale car, me dit-il, il répugne à trop surcharger le récit de ma dernière enquête avec des digressions explicatives... Or, prétend-il, à votre époque tout le monde n'a pas forcément en tête une vision précise de ce qui s'est passé cette année-là (je suis sûr qu'il vous sous-estime, là...😇).
Mon cher co-auteur de ce blog est bien gentil mais il oublie que moi, en 1637, je n'avais que ... sept ans! Autant vous le dire: les aléas des affrontements entre les troupes françaises et leurs homologues espagnoles n'étaient pas le principal de mes soucis... Je vais tout de même essayer de vous présenter succinctement le tableau de la situation, grâce notamment à ce que m'en a dit Francisco.

Bien sûr nous appartenions à la couronne d'Espagne. En principe en tous cas, car la Catalogne était entrée depuis une grosse dizaine d'années en quasi-rébellion contre le pouvoir de Madrid. Celui-ci essayait par tous les moyens d'assujettir l'ensemble de la péninsule (Catalogne comprise) à une politique fiscale renforcée: il fallait faire rentrer le maximum d'impôts dans les caisses de l'État car les temps économiques étaient difficiles.

Le roi Philippe IV et son principal ministre Guzman, comte-duc d'OlivaresLe roi Philippe IV et son principal ministre Guzman, comte-duc d'Olivares

Le roi Philippe IV et son principal ministre Guzman, comte-duc d'Olivares

Le souci, pour faire court, était que certaines provinces (dont la nôtre) étaient exemptées d'impôts vis-à-vis de Madrid. L'instauration de ceux-ci ne pouvait être acceptée que par les parlements locaux (les Corts catalanes datent de la fin du XIII° siècle!). Bien évidemment ceux-ci refusèrent fermement d'y être soumis. Tout aussi évidemment le pouvoir royal se fâcha et le comte-duc d'Olivares envoya des milliers de soldats dans toute la province, où le moins que l'on puisse dire est qu'ils n'étaient même pas tolérés par la population.

Constatant cela le royaume de France voisin se dit qu'il pourrait profiter de l'affaiblissement du pouvoir espagnol. Jusqu'alors les Français s'étaient tenus à l'écart de la guerre qui depuis presque vingt ans opposait de nombreux États européens (à votre époque elle est connue sous le nom de Guerre de Trente ans). En 1635 le roi Louis XIII et son ministre Richelieu finirent par déclarer formellement la guerre à leur voisin espagnol.
Ce n'est pas pour cela que les combats commencèrent. En tous cas pas chez nous (ils se concentrèrent d'abord dans le Nord, en Artois, en Flandre...). Chez nous les Espagnols commencèrent à rassembler des troupes, au cas où... Et les Français firent de même de l'autre côté des Corbières, même s'ils avaient plus que des difficultés à faire s'entendre entre eux leurs chefs de régiments.

Alors me direz-vous: que se passa-t-il en 1637? Eh bien... Pas grand chose justement. Les troupes se faisaient face de part et d'autre des Corbières. Des espions s'infiltraient des deux côtés pour renseigner sur les positions, les stocks d'armes, l'état du moral et ainsi de suite... Et chacun des deux belligérants lorgnait sur les possessions de l'autre en veillant à ne pas trop s'exposer.
Côté espagnol on rêvait de prendre d'assaut le château de Leucate. Le contrôler, c'était s'ouvrir en grand la porte du Languedoc. Son gouverneur était un vieillard dont ils espéraient ne faire qu'une bouchée, bien qu'il fût le fils d'un héros. Ils l'ont manifestement sous-estimé car malgré un siège d'un mois (du 27 août au 29 septembre), la destruction de tout le village de Leucate, incendié, et l'affrontement meurtrier d'environ 16 000 Espagnols et 25 000 Français, le château resta aux mains du royaume de France. Pour le plus grand bonheur du fils du gouverneur qui le remplaça un peu plus tard bien qu'il fût un débauché et un voleur notoire.

Une estampe allemande de l'époque représentant la bataille de Leucate

Une estampe allemande de l'époque représentant la bataille de Leucate

Côté français, c'est le château de Salses qui attisait les convoitises. Une forteresse bien plus impressionnante, qui pouvait abriter plusieurs milliers d'hommes et qui commandait l'entrée dans la plaine du Roussillon. Pourtant malgré son intérêt évident envers la conquête de ladite plaine, le cardinal de Richelieu avait trop à faire pour mettre d'accord les uns et les autres de ses chefs de régiment (et il avait trop besoin d'argent, lui aussi) pour déclencher l'offensive. Celle-ci n'est intervenue que deux ans plus tard, ouvrant une période durant laquelle sièges et contre-sièges se succédèrent autour de la forteresse jusqu'à la victoire finale des Français.

Il paraît qu'à votre époque la forteresse ne lui ressemble plus du tout... Dommage?

Il paraît qu'à votre époque la forteresse ne lui ressemble plus du tout... Dommage?

Beaucoup de ce que j'ai vécu durant l'enquête que vous pourrez lire bientôt prend ses racines durant cette période. C'est pour cela que Patrick tenait à ce que je vous en dresse le tableau, forcément trop bref.

C'est fait!

Ah si! J'oubliais le plus important pour moi et ma vie!... 1637... C'est aussi (surtout?) l'année de naissance de Sylvia. Même si bien sûr à l'époque je n'en ai rien su (je le redis: je n'avais que 7 ans).

Publié dans Ma région

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Transporter et conserver l'argent

Publié le par Jaume Ribera

J'ai eu un véritable choc il y a quelques jours quand j'ai posé une question pourtant anodine à Patrick. Il me parlait d'un gros achat qu'il avait à faire et je lui ai demandé: "Comment fais-tu pour garder tout cet argent chez toi et pour ensuite le transporter chez celui à qui tu vas acheter cet objet?"
Il m'a répondu des choses incompréhensibles pour moi: Euros, Francs (il paraît même qu'il y en avait des Nouveaux et des Anciens!...), chèque, Carte bleue, Crip... Cryto... Cryptomonnaies, dématérialisation de l'argent... Enfin bref un charabia incroyable... Même Francisco, quand je le lui ai raconté, m'a dit: "Dans quel monde de fous vit-il, ton Patrick?" Lui et moi avons été d'accord: rien de plus sûr, finalement, qu'un bon lot de pièces d'or!...

L'or, mais aussi tout autre métal monétaire

L'or, mais aussi tout autre métal monétaire

Reste quand même que notre époque, même en temps de paix, n'est pas sûre. Et que pour conserver ou transporter l'or ou les monnaies dont nous disposons, se pose une question majeure: comment faire? Bien sûr si la somme n'est pas très importante, le plus simple est le gousset. À l'origine, c'était une discrète poche cousue sous l'aisselle. Elle tirait son nom de la pièce d'armure qui jadis protégeait toute l'articulation de l'épaule jusqu'aux aisselles. Puis pour plus de confort on a fini par la porter à la ceinture, comme une simple bourse.
Mais quand il y a vraiment beaucoup d'argent à transporter ou à conserver chez soi? On peut certes l'enterrer dans un endroit discret. Beaucoup le font. Et je parie que pendant longtemps (peut-être encore à votre époque) on trouvera ici ou là des lots de monnaies plus ou moins importants, qui auront été trop bien cachés et finalement oubliés...

De plus en plus néanmoins, ceux qui ont beaucoup d'argent le gardent dans des cassettes. Plus ou moins discrètes (il ne s'agit pas non plus d'attirer l'œil d'éventuels voleurs), plus ou moins ouvragées et décorées (on tient aussi souvent à montrer son opulence), elles se rangent facilement dans un endroit discret de la maisonnée. Fréquemment dans le grand bahut de la pièce commune, où finalement on met de tout: linges, provisions, vaisselle, verreries... Alors pourquoi pas une cassette, qui n'en sera que mieux dissimulée qu'il y aura beaucoup de choses dans le bahut?...

La richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaireLa richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaire
La richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaireLa richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaire
La richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaireLa richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaire

La richesse de la cassette témoigne aussi de celle de son propriétaire

Et pour transporter le tout? Car c'est un impératif de mon temps: on ne paye pas (pas encore, me dit Patrick en ricanant un peu) avec des bouts de papier voire par de simples promesses... Il y a bien un moment où l'acquéreur doit donner à son vendeur le lot de pièces grâce auquel il pourra acheter veau, vache, cochon, couvée (il paraît que dans quelques années, un poète de la Cour du Roi, à Paris, utilisera aussi cette formule!... 😉), mais aussi terrain, maison, outils...

Alors il faut transporter le magot. Et parfois sur de longues distances. Quoi de mieux qu'un coffre, alors? Après tout c'est un des moyens les plus anciens pour transporter ce que l'on possède de précieux.

Des coffres pour tous les goûtsDes coffres pour tous les goûtsDes coffres pour tous les goûts

Des coffres pour tous les goûts

Mais je vous l'ai dit: les temps ne sont pas sûrs!... Alors les fabricants de coffres rivalisent d'ingéniosité pour dissimuler des compartiments secrets plus ou moins grands dans leurs réalisations. Ainsi espèrent-ils tromper les voleurs en sauvant une partie de l'argent transporté. À condition bien sûr de savoir trouver toutes les caches. Elle sont parfois nombreuses et inattendues.

Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?
Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?

Auriez-vous trouvé toutes les cachettes?

C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à un coffre qui... Mais chuttt! Patrick m'a fait promettre de ne rien dévoiler du récit de ma dernière enquête, qu'il est en train de finaliser...

Alors il vous faudra attendre qu'il ait fini...😊

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Nouvelle année

Publié le par Patrick Dombrowsky

Jaume et moi vous souhaitons pour 2023 la meilleure des années (1664 pour lui!... 🤨). Qu'elle soit plus douce que ses grandes sœurs et qu'elle comble les espoirs que vous placez en elle.

Publié dans De la part de Patrick

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La passion du jeu

Publié le par Jaume Ribera

Et si nous jouions aux cartes?

Bon je sais! Séparés les uns des autres par 360 années, cela ne va pas être simple à organiser!... Alors je vais être plus modeste et me contenter de vous parler de ces petits bouts de carton qui sont récemment venus perturber la quiétude de ma cité d'Argelès. Patrick me dit d'ailleurs qu'il vous raconte tout cela dans le prochain récit qu'il publiera bientôt.

Notre société, contrairement à ce que beaucoup croient à votre époque, n'est pas triste. Au-delà des moments consacrés au labeur (dur, certes), les occasions de se distraire et de se réjouir ne manquent pas. Et reconnaissons-le: les jeux de cartes ne sont pas rares dans les tavernes et les hostelleries.

Il faut dire qu'elles sont belles, les cartes de notre pays catalan. Même si elles sont surtout répandues en Espagne, nous les appelons des cartes catalanes. Car nous savons bien que c'est grâce aux échanges maritimes autour de la Méditerranée que ces objets se sont introduits dans la péninsule, par le port de Barcelone. C'était il y a ... pas mal de temps. À la fin du quatorzième siècle.

Certains jeux sont particulièrement esthétiques

Certains jeux sont particulièrement esthétiques

Si le dessin peut parfois changer, au gré de l'inspiration du cartier, les signes sont immuables. Il y en a quatre différents. Selon certains ils représentent les quatre niveaux de la société catalane de l'époque. Moi j'ai tendance à me méfier de ces explications qui veulent toujours trouver du sens historico-politique au moindre fait social. C'est vrai que ça ne coûte rien d'y croire, mais je vous laisse vous faire vous-même votre opinion...

  1. Les espases (les épées). Qui bien sûr symboliseraient les nobles, qui occupent l'essentiel des fonctions militaires à mon époque.
  2. Les copes (les coupes). Qui ne seraient pas de simples verres, mais des calices. Instrument par excellence des religieux, symbolisant donc le clergé.
  3. L'or (que l'on appelle aussi les deniers, ou tout simplement les pièces). Bien sûr il symbolise la richesse apportée par le commerce et les échanges.
  4. Les bastos (les bâtons). De véritables gourdins, en fait, plus ou moins stylisés, qui représentent les travailleurs de la terre, les plus nombreux de la population.
Avaient-ils le sens qu'on leur prête parfois? Peu importe finalement...

Avaient-ils le sens qu'on leur prête parfois? Peu importe finalement...

Un jeu normal a 48 cartes, 12 de chaque signe. Les neuf premières sont classiques et ne représentent que le nombre d'objets qu'elles valent. Les trois plus fortes représentent des êtres humains, dotés du signe de la carte. Très classiquement, on retrouve la trilogie que vous connaissez dans vos propres jeux de cartes. Au sommet se trouve (bien sûr!) le Roi. Juste après les simples valeurs, se situe le Valet (ou l'écuyer). Entre les deux ... je ne me prononcerai pas. Pour certains c'est le Cavalier. Mais d'autres pensent qu'il s'agirait en fait d'une cavalière, voire d'une reine. N'oubliez pas, de toutes façons, que dans mon siècle la place des femmes n'a rien à voir avec ce qu'il est devenu à votre époque. Là encore, c'est l'inspiration du maître cartier ou la demande de son client qui feront pencher le dessin vers un personnage masculin ou féminin...

De toutes façons, dans les plus anciens jeux (celui-ci est de 1390), bien malin qui pouvait distinguer hommes et femmes

De toutes façons, dans les plus anciens jeux (celui-ci est de 1390), bien malin qui pouvait distinguer hommes et femmes

Vous allez me dire que tout cela est bien joli... Mais à quoi joue-t-on avec ces cartes? Ils sont nombreux, les jeux qui ont été inventés au fil des siècles. Laissez-moi juste le temps de mettre tout cela en ordre dans mon esprit... et je vous en parlerai avec plus de détails.

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Se déplacer par mer à mon époque

Publié le par Jaume Ribera

Je ne sais pas comment il faudra qualifier ma dernière aventure. Celle que Patrick est en train de mettre en forme pour vous et sur laquelle il m'a fait promettre le silence le plus total. Une enquête au sens usuel du terme? Une quête personnelle? Une rencontre avec un lointain passé qu'on aurait pu croire oublié?
Je ne sais pas non plus ce que vous-mêmes en penserez. Moi en tous cas elle m'a procuré un sacré lot de surprises!...

Plus prosaïquement elle m'a aussi permis d'en apprendre un peu plus sur une de mes grandes amies auprès de laquelle j'habite depuis toujours sans finalement vraiment la connaître: la mer! Cette vaste étendue bleutée auprès de laquelle j'aime venir méditer lorsque j'en ai le temps. Si calme et pourtant si souvent sujette à de brusques sautes d'humeur...

Si j'en crois Patrick (je me méfie parfois avec ses affirmations péremptoires, invérifiables pour moi par-delà les siècles), pour vous la Méditerranée c'est ça:

Argelès, minuscule point rouge en haut à gauche de cette immensité...

Argelès, minuscule point rouge en haut à gauche de cette immensité...

Il n'arrive pas à comprendre, et pourtant je le lui ai souvent répété, que pour moi c'est uniquement ça:

Argelès, toujours signalée par un point rouge, cette fois-ci un peu plus gros...

Argelès, toujours signalée par un point rouge, cette fois-ci un peu plus gros...

Évidemment, vu sous mon angle, l'utilité de cette mer n'apparaît pas très grande. J'ai longtemps estimé qu'elle ne servait guère que pour mes rêveries et pendant longtemps aux incursions de visiteurs mal intentionnés (jadis des pirates; durant les dernières guerres des navires espagnols soucieux de contrôler les accès au port de Collioure).
Je vous imagine en train de vous insurger: "Et la pêche, alors"?

Contrairement aux cités de la côte rocheuse (Collioure, Banyuls, quelques autres au-delà de la montagne), il n'y a jamais eu beaucoup de pêcheurs à Argelès. Mon vieil ami Miquel Paco, que les lecteurs de mes enquêtes ont souvent rencontré, fut l'un des derniers à y exercer ce métier si ingrat. De toutes façons nous ne consommons pas beaucoup de poisson dans notre nourriture quotidienne: il est tellement difficile à conserver en bon état!
Et pourtant au cours de mes récentes péripéties que vous découvrirez dans quelques temps j'ai appris que Miquel ne se servait pas de sa barque uniquement pour ramener du poisson. Et ceci depuis bien avant que je les connaisse, lui et sa barque à fond plat.
 

Se déplacer par mer à mon époque

Cette découverte m'a amené à regarder ma voisine maritime d'un œil nouveau. D'autant qu'en en discutant avec Francisco j'ai appris qu'il n'était pas le seul à louer l'utilisation de sa barque pour ... transporter des passagers ici ou là le long de la côte.
Je savais bien sûr que cela se pratiquait pour convoyer des produits de contrebande. J'ai appris que ce moyen de transport par la mer servait aussi pour se déplacer plus discrètement qu'à cheval et plus rapidement qu'à pied. Soyons honnête: ce système de cabotage sur de courtes distances sert essentiellement aux échanges de marchandises. Il n'y a pas de grands ports dans notre région. Collioure est le seul et il a été totalement consacré aux mouvements des bateaux de guerre durant les dernières décennies. Les mouvements de nombreuses petites barques permettent donc de ravitailler les nombreux villages de la côte en s'approchant au plus près de la ligne de côte. Et j'ai donc découvert qu'ils permettent aussi le transport discret de simples individus.

À leurs risques et périls, bien sûr: ce n'est en effet pas sans danger, tant ma Méditerranée n'aime pas se laisser dompter...

Moi, franchement, je préfère me déplacer avec mon fidèle cheval!...

Moi, franchement, je préfère me déplacer avec mon fidèle cheval!...

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